34 DIALOGUE S. momma. La postérite no mela rendra point telle que j’ai pu la meriter. Ne vois-je pas ici les plus grands hommes de l’an- tiquite, Homere, Virgile, Euripide, qui sont encore pour- suivis dans le tombeau par ce meme esprit de critique qui les a degrades pendant leur vie? Dans le meme temps qu’ils sont adores de quelques personnes sensées dont ils enchan- tent Pimagination, ils sont meprisés et tournés en ridicule . par les espritsmédiocres qui manquent de go11t*. Je voyais passer le Tasse, il y a quelquesjours, suivide quelques beaux esprits qui lui faisaient leur cour : ~plusieurs ombres de grands seigneurs qui étaient avec moi, me demanderent qui c’était; sur cela, le duc de Ferrare prit la parole, et repen- dit que c’etaitun poete auquel il avait fait donner des coupe de baton, pour chatier son insolence. Voile comme les gens du monde et les grands savent honorer le génie. LE mum-: uomu-1. _ J'ai souvent oui dans le monde de pareils discours, et j’en etais indigné. Car, enfin, qu’est-ce qu’un grand poete, sinon un grand genie, un homme qui domine les autres hommes par son imagination; qui leur est superieur "en vi- vacite; qui connatt, par un sentiment plein de lumiere, les passions, les vices et l’ esprit des hommes; qui peint Iidele- ment la nature, parce qu’il la connait parfaitement, et qu’il a des idées plus vives de toutes choses que les autres; une ame qui est capable de s’élever; un génie ardent, laborieux, eloquent, aimable, qui ne se borne point a faire des vers · harmonieux, comme un charpentier fait des cadres et des tables dans son atelier, mais qui porte dans le commerce du monde son feu, sa vivacité,`son pinceau et son esprit, et qui • Allusion A La Motte qui, au 18* siecle, avait revelllé la querelle des an- ciens et des modernes, et avait pris parti contre les anciens. — Voir, sur cet ‘ iuteressnnt sujet, le beau livre de M. Hippolyte Rigault, profcsseur suppléant au college de France: Histoire de Ia Querelle des Anciens ct des Moderne:. Paris, Hachette, mo. - G.
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