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CORRESPONDANCE. 277 Provence de connaitre la juste signification des mots, et vous aurez la bonte de me pardonner les preventions que je puis avoir la-dessus. J’ai corrige mes pensées it l’egard de Moliere, sur celles que vous avez eu la bonté de me communiquer; je les ajou- terai A cette lettre; je vous prie de les relire jusqu’e la fin. Si vous etes encore assez bon pour me faire part de vos lu- mieres sur Boileau, je tacherai aussi d’en profiter. J’ai le bonheur que mes sentiments sur la comédie se rapprochent beaucoup des vetres : j’ai toujours compris que le ridicule y devait naitre de quelque passion qui attachat l’esprit du spectateur, donnét de la vivacité e l’intrigue, et de la vehe- mence aux personnages ; je ne pensais pas que les passions des gens du monde, pour etre moins naives que celles du` peuple, fussent moins propres a produire ces eifets, si un auteur naif peignait avec force leurs moeurs depravées, leur extravagante vanité, leur esprit, sans le savoir, toujours hors de la nature, source intarissable de_ridicules. J’ai vu bien souvent, avec surprise, le succes de quelques pieces du haut comique, qui n’avaient pas meme Yavantage d’etre bien pensées; je disais alo1·s : Que serait-ce si les memes sujets étaient traités par un homme qui sut écrire, for- mer une intrigue, et donner de la vie a ses peintures? C’est avec _la plus sincere soumission que je vous propose mes idées; je sais, depuis longtemps, qu’i1 n’y a que la pratique meme des arts qui puisse nous donner, sur la composition, des idées saines. Vous les avez tous cultivés, des votre en- fance, avec une tendre attention; et le peu de vues que j’ai sur le gout, je les dois principalement, Monsieur, a vos ouvrages. ` Celui qui vous occupe présentement occupera bientet la France. Je concois qu’un travail si diflicile et si presse de- mande vos soins; vous avez, néanmoins, trouvé le temps cle me parler de mes frivoles productions, et de consoler par les assurances de votre amitie mon coeur atlligé. Ces marques aimables d’humanite sont bien clneres it un malheureux qui