· 274 CORRBSPONDANCE. les mauvaises nuits que nous avons passees ensemble; vous m’avez rendu ce souvenir tres-cher, par mille endroits, et _ je ne le perdrai jamais. Adieu, jeune baron. 110. — VOLTAIRE A VAUVENABGUES. A Versailles, le 7 janvier H45. Le dernier ouvrage ’ que vous avez bien voulu m`envoyer, Monsieur, est une nouvelle preuve de votre grand gout dans un siecle ou tout me semble un peu petit, et ou le faux bel—esprit s’est mis a la place du genie. Je crois que si on s’est servi du terme d’instinct ’ pour caracteriser La Fontaine, ce mot instinct signifiait genie. Le caractere de oe bon homme etait si simple, que, dans la conversation, il n’etait guere au·dessus des animaux qu’il faisait parler; mais, comme poete, il avait un instinct divin, et d’autant plus instinct, qu’il n‘avait que ce talent. L’abeille est admirable, mais c’est dans sa ruche; hors de la, l’abeille n’est qu‘nne mouche. _ J’aurais bien des choses a vous dire sur Boileau et sur Moliere :je conviendrais, sans doute, que Moliere est inegal dans ses vers; mais je · ne conviendrais pas qu’il ait choisi des personnages et des sujets trop bas. Les ridicules fins et deliés, dont vous parlez, ne sont agreables que pour un petit nombre d’esprits delies; il taut au public des traits plus marques. De plus, ces ridicules si delicats ne peuvent guere fournir des personnages de theatre : un defaut presque imperceptible n’est guere plaisant; il taut des ridicules forts, des impertinences dans lesquelles il entre de la passion, qui soient propres a Pintrigue; il faut un joueur, · un avare, un jaloux, etc. Je suis d’autant plus frappe de cette verite, que je suis actuellement occupe d’une fete pour le mariage de M. le Dauphin, dans laquelle il entre une comedie *; et je m‘apercois plus que jamais que ce delie, ce fin, ce délicat, qui font le charme de la con- versation, ne esnvisnnentgusrs au theatre. G’est cette fete qui m’em- • bes cinq premieres Ré/lcxiom critiques sur quelques poétes. -—· G. ¤ Voir la 1** note do ln Ré/lexion Sur La Fontaine. — G.
- La Prinresse de Novm·re, comedie-ballet en trois actes, representee au
chateau de Versailles, lc 23 février 17'•5. -— G.
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