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DIALOGU ES. 9 .m?:uos·rnem:. Hélas! men cher lsocrate, vous ne dites que trop vrai. ll y avait,-de mon temps, beaucoup dc déclamateurs et de sophistes, beaucoup d’écrivains ingénieux, barmonieux, lleuris, élégants, mais peu d’orateurs véritables; ces mau- vais orateurs avaieut accoutumé les hommes. a regarder leur art comme un jeu _d’esprit, sans utilité et sans consis- tance. · . nsocnnz. Est-ce qn’ils ne tendaient pas tous, dans leurs discours, ' it persuader et a convaincre? nsxiosrnem-1. Non, ils ne pensaient ah rien moins. Pour ménagernotre délicatesse, ils ne voulaient rien prouver; pour ne pas blesser la raison, ils n’osaient rien passionner : ils substituaient, dans tous leurs écrits, la finesse a la véhémence, Part au sentiment, et les traits auxgrands mouvements; ils discu- taient quelquefois ce qu°ilfal1ait peindre, et ils ellleuraient _ en badinant ce qu' ils auraient du approfondir; ils fardaient _ les plus grandes vérités par des expressions aflectées, des plaisanteries mal placées, et un langage précieux; leur mauvaise délicatesse leur faisait rejeter le style décisil`, dans les endroits meme ou il est le plus nécessaire : aussi, laissaient-ils toujours l’esprit des écoutants dans une par- faite liberté, et dans une profonde indifference. Je leur criais de toute ma force : celui qui est de sang-froid n’écbaull`e ‘ pas; celui qui doute ne persuade pus; ce n’est pas ainsi qu’ont parlé nos maltres ' ! Nous llatterions-nous de con- naltre plus parfaitement la vérité que ces grands hommes, parce quenous la traitons plus délicetement? C’est parce que nous ne la possédons pas comme eux, que nous ne savons pas lui conserver son autorité et sa force.

  • Voir Ie- Maximes iI3* rt 335*; voir aussi le i3' Caraclére (Lysine:). -= G.