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CORRESPONDANCE. 211 l’amour des grandeurs, les aifaires , tratnent les hommes dans des erreurs intinies; trop ambitieux de savoir, ils par- courent trop d’objets; ils ne sauraient les creuser tous; mais, saisis de la nouveauté et de l’éclat de leurs idées, la hardiesse de leur cosur passe bientot dans leur j ugement, et leurs decisions audacieusea tlattent, avec trop d’empire pour qu’ils y résistent, leur gout pour Pindépendance; elles 1 leur sont d’autant plus cheres,·qu’el1es leur appartiennent I en propre; d’ou suit, tres-ordinairement, que l’on est bien plus opiniatre dausl’il1usion qu’ou a créée soi-meme, que dans le vrai, qui n’appartient en propre A personue; l’an· tique vérité trop familiere et trop connue, nous intéresse beaucoup moins que l’erreur qui nous appartient. Mais ce qui sert, A mon avis, A contirmer Yégarement des hommes dont nous parlons, c’est1a justesse des consequences qu’ils tirent d’un principe faux; voila ce qui fait l’illusion; aussi je suis bien loin de croire qu’ils u’aient pas l’esprit consé- quent. Leurs erreurs sont aussi hardies, aussi puissantes, aussi 1'ortes, aussi extremes que leur passions, et cela est naturel ; mais elles tirent une partie de leur force de la jus- tesse de leur esprit, qui donne un ordre, une suite, et des proportions admirables, A des idées que des esprits vulgaires ne pourraient jamais allier, parce qu’ils ne sauraient en trouver les rapports. Que si ceux·ci, cependant, paraissent plus attaches A la vérité, c’est parce qu’ils n’osent braver ` la coutume, ou les droits de l’éducation; ils servent la We- rité sans connaltre son étendue, et faute d’avoir assez d’idées pour la combattre, ou pour autoriser l’erreur; leur conduits et leurs opinions sont pleines de justesse; parce qu’ils agissent sans discuter; mais leurs raisonnemeuts se- l ‘ raient faux, s’ils se mélaieut de raisonner; tout an contraire pour les autres; leurs raisonnements seraient justes en- core, leur premiere idée étant fausse. Aiusi, lespremisrs agissent bien, parce qu’ils ne pensent rien que de simple et de connu; et les grands génies agissent souvent mal, parce qu’ils ne pensent rien de simple et de trivial. Mais, lora-