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194 CORRESPONDANCE. . m’arrivAt quelque infortune remarquable, pour déchirer mes entrailles, comme ce fou de Caton, qui fut si tidele A sa secte ‘. Je fus deux ans comme cela, et puis, je dis A mon tour, comme Brutus : O vcrtu! tu n’cs qu’un fantémc ! Ce- pendant, cet aimable stoicien, que sa. constante vertu, son genie, son humanité, son inflexible courage me rendaient infiniment cher, m’a fait verser bien des larmes sur la fai- blesse de sa mort : c’est une extreme pitié de voir tant de vertu, taut de force et de grandeur d’Ame vaincues, en un moment, par le plus leger revers, au milieu de tant de res- sources, et de tant de faveurs de la fortune! Mais n’est-ce pas une folie que de vous conler tout cela, et de prendre ce ton lugubre? Vous allez croire, silrement, que je veux que votre frere devienne un stoicien, et qu'il se tue, comme Caton, ou qu' il lise notre Seneque! Ah I n’apprébendez pas cela; je ris, actuellement,. de mes vieilles folies, et meme des folies présentes. Je voudrais bien que cette lettre ful. assez ridicule pour vous faire rire vous-meme; mais je crains q‘u’elle n’ait que ce qui est nécessaire pour vous Cll- nuyer un quart d’heure, car il faut bien cela pour la lire. Ce sont vos louanges qui me gAtent’; il est juste que VOIIS en soulfriez; d’ailleurs, j’aime beauooup mieux vous écrire rarement, que retenir ma plume, lorsqu’elle est en train d’aller; cela est plus conforme A ma paresse, et plus com- mode aussi pour vous. ‘ Adieu, mon cher Mirabeau; ne répondez rien A oeci; mar- quez-moi le temps qu’il fait, plutet que d’entrer IA-dedans. Nous serons A Metz, le 7 ou le 8 du mois prochain; je vous écrirai de IA avec plus de moderation, parce que je serai moins seul, et que j’y trouverai des gens avec qui je pourrai

  • L’infortunc que Vauvenargues souhaitait, ne lui a pas manqué; mais il

a fait mieux que de déchirer sc: cntrailm; il a supporté cette infortune avec tant do constance, que Voltaire a pu dire de lni : • Je Pai toujour: me le plan ¤ inforluné des hommes, et le plus tranquille; · et que Marmontel a pu •jou·- · ter: • On n'osait étrc malheureu.1; auprés de lui;... c’était avec lui q••’0n • apprenait d mourir. » —— G.

  • Heureuses louanges, puisqu’elles out vaincu, A la lin, Ia reserve de Vau-

venargues, et l’ont engagé A quelques confldencesl — G.