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i90 CORRESPONDANCE. l’un et l’autre 9. la fois; du moins, si l’on n’est qu’est.ima- ble, l’on est rarement aimé. ll convient de tout cela; je lui cite des exemples et son expérience propre, et il est de tres· bonne foi. Je lui fais faire encore une attention, c’est que, pour avoir des suffrages, il ne suflit pas de les mériter, il faut. les enlever de force; l’homme qui pense le mieux n’obtient pas toujours justice; il faut qu’il sache sela faire. ll n’y a que deux moyens pour en venir a bout, bien parler et bien écrire; toutes les alfaires du monde, toutes les en- treprises et toutes les passions ne réussissent que par la; l’on n’a que ces deux voies pour se faire connaltre, et toutes les actions s’y terminent. Un homme qui ne sait qu’écrire, ne sait rien, et nn homme qui ne sait que parler, est sou- vent dans Yembarras, et perd quelquefois le fruit de la meilleure conduite, et des plus signalés services. Ce sont donc deux talents que l’on doit cultiver; mais, comme il est nécessaire, pour parler et pour écrire, de penser d’abord. et de sentir, il faut allier tout cela, former son gout et sa raison, pour bien écrire, et apprendre :1 bien s’exprimer, pour produire sa raison et sou gout, pour les mettre en usage, et pour les étendre encore *. Quand nous en sommes venus la, nous descendons_aux dé- tails et aux exemples familiers : on accuse le chevalier d’etre un pen trop opiniatre; je tache de lui faire entendre qu’on ne soutient sou opinion que pour primer, et se faire esti- mer, mais qu’avec Yopiniatreté, il arrive le contraire de ce qu? on ose se promettre ; qu’il est bien plus honnete, plus poli, plus humain, et plus avantageux, de oéder a la preven- tion des autres, que de les aigrir, de s’en faire hair, et quel- quefois mépriser, sans pouvoir s’en faire comprendre: il y a meme bien des esprits qu’on ne persuade qu’en cédant, et, quand Popiniatreté n’aurait point un effet contraire, il suliit qu’el1e soit commune a tous les petits esprits, pour qu’on doive en avoir horreur. Ce qui répugne au chevalier, c’est qu’il ne comprend pas encore comment on peut accorder la • Voir lo i3·· Fragment (Sur la vérité ct l’éloqucncc).— G.