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prits justes m’out méprisé; mais les grandes ames m’ont estimé; et votre Bossuet, votre Fénelon , qui avaient le génie élevé, out rendu justice a mon caractere, en blamant mes fautes et mes faibles. ·

i nesvntzaux.

ll est vrai que ces écrivains paraissent avoir eu pour vous une extreme veneration; mais ils Pont poussée peut·etre trop loin. Car enfin, malgré vos vertus, vous avez commis d’étranges fautes : comment vous excuser de la mort de Clitus ‘, et de vous etre fait adorer?

ALEXANDRE.

J’ai tue Clitus dans un emportement que l’ivresse peut excuser. Combien de princes, mon cher Despréaux, out fait mourir de sang—froid leurs enfants, leurs freres, ou leurs favoris, par une jalousie excessive de leur autorité! La mienne était blessée par l’insolence de Clitus, et je l’en ai puni dans le premier mouvement de ma colere : je lui aurais pardonné dans un autre temps. Vous autres particuliers, mon cher Despréaux, qui n’avez nul droit sur la vie des hommes, combien de fois vous arrive-t-il de désirer secre- tement leur mort, ou de vous eu réjouir lorsqu’elle est arrivée ? et vous seriez surpris qu’un prince, qui peut tout • avec impunité, et que la prospérité a enivré, se soit sacrilié dans sa colere un sujet insolent et ingratl

  • Clitus, frère d’Hellanice, nourrice d’Alexandre le Grand, se signala sous ce prince, et lui sauva la vie au passage du Granique, en coupant d’un coup de cimeterre le bras d’un satrape qui allait abattre de sa hache la tête du héros macédonien. Cette action lui gagna l'amitié d’Alexandre.

Dans un acces d’ivresse, ce roi se plaisait un jour a exalter ses exploits et a rabaisser ceux de Philippe son pére; Clitus osa relever les actions de Philippe aux dépens de celles d’Alexandre. Tu as vaincu, lui dit-il, mais c’e:t avec lu soldals deton pére. Il alla meme jnsqu‘a luireprochsr la mort de Philotas et de Parménion; Alexandre, échautfé par le vin et la colere, suivit. un premier mouvement, et le perca d’un jarelot, on lui disant : Va done rc- joiadre Philippe, Parménton et Philotas. Revenu a la raison, a la vue de son ami baigné de son sang, honteux et désespéré, il voulut. se donner la mort; mais les philosophes Callisthene et Anaxarque l’en empecherent. — B.