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malade qui ne peut rien savourer de tout ce qu’on lui présente, et qui»n’a pas en lui la force de changer la disposition de ses organes et de ses sens, ou de trouver des objets qui, leur puissent convenir. Mais, quoique je ne sois point heureux, j’aime mes inclinations, et je n’y saurais renoncer; je- me fais un point d’honneur de protéger leur faiblesse; je ne consulte que mon cœur; je ne veux point qu’il soit esclave des maximes des philosophes, ni de ma situation; je ne fais pas d’inuti1es efforts pour le régler sur ma for- tune; je veux former ma fortune sur lui. Cela, sans doute, ne comble pas mes voeux; tout ce qui pourrait me plaire est a mille lieues de moi; mais je ne veux point me contraindre * , j’aimerais mieux rendre ma vie l Je la garde, a ces conditions; et je souffre moins des chagrins qui me viennent par mes passions, que je ne ferais par le soin de les contrarier sans cesse. Il n’est nullement en moi d’avoir a ma portée les objets que vous donnez a mon cœur; je ne manque pas, cependant, de principes de conduite, et je les suis exactement; mais, comme ils ne sont pas les mêmes que les vôtres, vous croyez que je n’en ai point, et vous vous trompez en cela, comme lorsque vous croyez que mon âme est inactive, quoiqu’elle soit sensible et présente ’, qu’el1e ne supporte la solitude que par la, et qu’elle aime a se tourner sur ce qui peut la former et lui être utile, quand ma santé le permet. Voila, mon cher Mirabeau, ce qu’il faut que vous sachiez, puisque vous le demandez.

L’exemp1e de M. de Saint-Georges n’est fait ni pour vous, ni pour moi; c’est un homme trop accompli; il est gai, modéré, facile, sans orgueil, et sans humeur; il a une santé robuste; il aime les sciences et la paix; il est formé pour la vertu; sa famille et ses affaires lui font un intérêt et une occupation; son esprit déborde son cœur, le fixe, et le rassasie;

  • Voir, plus haut, la i" note de la page U17. — G.

¤ a Ceux qui confondent les traits et la ressemblance des chosea, le trouvaieut indolent... Sa paresse n’avait rien de faible ni de lent; on y aurait remarqué plutot quelque chose de vif et de tier. » ( léloge d’HippoIyte dc

· Scylres. - Voir, dans cet Elogc, la note do la page M3.) —- G.