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I I CORBESPONDANCE. 155 egarée, et formee sur le mensonge; ils ont consume leur vie ‘ a noircir la veritef; ils la repoussent encore, entre les bras de la mort, et presque eclipses dans son ombre; les res- sources ordinaires que tire la Religion des faiblesses d’un mourant , sont aneanties pour eux; leurs- retlexions, a l’avance, en ont eteint le principe. Cette meme Religion a des preuves irréfutables, qu’ils n’ont jamais ignorées, mais comparees, dans leur coeur, a leurs trompeuses idees, et la ' prevention et l’orgueil penchent toujours la balance du cote de celles-ci. Cependant, la vérite, qui eclaire communement le trepas des autres hommes, peut aussi luire sur eux; elle perce quelquefois le nuage de l’erreur, et s’ofl`re a leurs demiers regards; son ilambeau, longtemps cache, sort, comme un feu devorant, des cendres de leurs passions, bien diiférent a leurs yeux de cette lumiere douce, que la Foi, l’humble innocence, portent sur les pas du juste, mais comme un rayon ardent de la vengeance divine, qui jette un jour odieux dans les ombres de la mort. Les plaisirs, la fausse gloire, s’effacent a sa lueur, et fondent dans le neant; l’erreur se tait et se trouble, et, dans ce silence affreux, le remords, au fond du coeur, fait seul entendre sa voix comme un hurlement sinistre. Alors, le plus intrepide sue de crainte et d’horreur, la raison est confondue, et la Foi victorieuse; mais le philosopbe nu ne peut soutenir la vue de ces terribles objets; ses yeux aifaiblis s’éteignent a la lumiere brulante qui a passe jusqu’a son cceur, et les restes de sa vie sont consumes peu a peu dans un cruel desespoir. J’aurais pu dire tout cela dans quatre lignes, et peut—etre ' plus clairement; mais j’aime quelquefois a joindre de grands mots, et a me perdre dans une periode; cela me parait plai- 88.Dt. Je ne lis jamais de poete, ni d’ouvrage d’éloquence, qui ne laisse quelques traces dans mon cerveau; elles se rouvrent dans les occasions, et je les couds a ma peusee, sans le savoir, ni le soupconner; mais, lorsqu’elles ont passe zsur le papier, que ma tete est degagee, et que tout est sous mes yeux, je ris de l’efl`et singulier que fait cette bigarrure,