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I .. CORRESPONDANCE. 129 Mirabeau, qui avez une Ame agissante, et une santé robuste, vous ne seriez point heureux si vous suiviez mes opinions *. car vous n’avez pas les memes sentiments, ni le meme tem- perament : les objets se peignent A votre cmur sous des eouleurs plus riantes et plus ilatteuses; vous faites bien d’en embrasser plusieurs A la fois; cela vous est nécessaire, et il vous en coutera moins qu’A personne que ce soit, pour arriver A un but. _ · Il est, entre les objets et notre coeur, de certaines con- Venances, que la nature a formées, et que l°on ne saurait rompre; car on peut dire, en général, que nous sommes maitres de nos actions ’; mais nous ne le sommes guere de nos passions, et c’est une folie de les combattre, quand elles n’ont rien de vicieux; c’est meme une injustice de s’eu plain- dre, car une vie sans passions ressemble bien Ala mort ', et_ je compare un homme sans passions Aun livre de raisonne— . ments : il n’est bon qu’A ceux qui le lisent ; il n’a pas la vie en lui, il ne sent point, il ne jouit de rien, pas meme de ses pensees. Ainsi, mon cber Mirabeau, nulle compassion pour vous : vous avez tort d’en attendre de moi, et, encore plus, de craindre de m’ennuyer. Il y a peut-etre mille gens qui vous envieraient votre amour, que vous trouvez si malheu- reux, et toutes vos autres passions; mais dites·moi, je vous prie`, quel est le cas ou vous etes? Est·ce le cas de faire un livre, ou d’entrer A l’Académie? Je ne vous ai pas entendu; surtout, plus active. Quelques années plus tard, il reviendra de ce dédain; il aimera mieux déroger d sa qualité qu’d son génie (Maximo 77o•); il s’autori-· sera de l'exemple de Richelieu, La Rochefoucauld, et autres grande bommes, aussi eormus par leurs écrits, que par leurs actions immortelles (voir la 52* Ré- yiscion); entln, n’syant pu faire de grandes choses, il voudra, du moins, écrire de grandes pcnsées (23' Ré/lation). — Voir la derniere note du 60• Caractére. — G. • Nouvelle preuve que Vauvenargues ne dit pas tout A Mirabeau; car ce qui domino dans ses écrits, et ce qui les échaulie, e’est précisément cet amour de la gloire et de Faction, dont il paralt, ici, se défendre. - G. • Vauvenargues n’accorde pas toujours ce point. (Voir son Traité sur le Libre- Arbitre). — G. ¥ On retrouve ici la tlnéorie développée par Vauvenargues dans ses divers ouvrages; il n’a jamais varié A cet egard. - G.

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