CORRESPONDANCE. I23 Voila ou se bornent mes soucis, al’égard dela vieillesse; je ne l’envisa.ge, cependant, `que trop : il me semble que tous les hommes y touchenten naissant; mais, comme la mort touche aussi a la vieillesse, ce` n’est pas trop la peine de se mettre a la torture pour prévenir des maux qui cloivent étre si courts; et, d’ailleurs, mon cher Mirabeau, nos soins sont assez inutiles; la naturea son cours réglé, et elle a ses droits inviolables; opposons-lui des vertus et des connaissances acquises, elle se joue de nos etforts; elle nous ote la me- _ moire, la raison, et le courage; et, quand nous sommes ` privés de ces ressources amassées avec tant de travail, elle nous apporte le dégout, les inlirmités, et la mort! Voila, mon cher Mirabeau, ce que je pense tous les jours, pour justiiier mon indolence; et voila ce que font aussi les autres hommes. Les objets ont plusieurs faces : chacun les considére du coté qui ilatte ses passions, et l_a raison, qui est étrangére sur la terre, n’ayant pas assez de force pour com- battre notre cozur, est obligée de se mettrea ses gages: mais, quelque peu de pouvoir qu’elle ait jamais eu sur moi, vous avez tort de soupconner l’amitié que j'ai pourvous: je n’ai point, en toutes choses, la langueur que vous me supposez; c’est meme la vivacité de mes sentiments qui fait la faiblesse de ma raison, et ceux que .je vous ai voués, non- seulement sont les plus raisonnables qui aient jamais été dans mon cmur, mais ils lui sont aussi les plus naturels et . lcs plus chers. ° Depuis que je suis ici, je n’ai.rencontre.le petit chevalier que deux ou trois fois, parce que je_sors`tres·peu. Il me trouve déja bien vieux!; je démele cette vérité dans ses ma- niéres et·dans son maintien avec moi. Il a grandi beau- coup depuis un an; ses camarades l'aiment fort; il a des facons unies, et un caractere décidé; je crois qu’il aimera le jeu, et qu’il défendra son argent; il voit jouer avec plai- sir, et prévoit bien les coups, mais il ne joue point du tout; ' Vauvenargues n’avait_pas· vingt-quatre ans; mais il est vrai que le jeune chevalier de Mirahoau n’en avnit pas encore quinzr. — G. ,
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