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— iii —

La France est en feu. La guerre civile est partout, en haut et en bas. Les princes ne s’entendent pas mieux que les vassaux. On se harcelle, on se pille, on s’égorge. L’ambition, le fanatisme, tout ce que le cœur humain a de plaies secrètes, s’étale au jour. Vauquelin est témoin des scènes qui désolent son pays ; quelquefois il y est acteur. — En faut-il davantage pour métamorphoser un homme, une langue, une nation ? En faut-il davantage pour chasser d’un cerveau bien conformé les vapeurs et les rêves qui l’offusquaient, pour lui rendre la conscience de la vie courante, en un mot, pour le réintégrer dans le monde réel, un instant ou longtemps déserté ?

Vauquelin rentre dans ce monde de la réalité, — autant qu’il y pouvait rentrer, lui, poète. Il y rentre, en écrivant l’Art poétique, en écrivant ses Satires. La langue qu’il parle ne ressemble plus ni à l’une ni à l’autre de celles qu’il a antérieurement parlées. Il n’a pas, sans doute, entièrement rompu avec le xvie siècle, mais, on peut l’affirmer, il tient maintenant beaucoup plus des écrivains du siècle qui s’avance que de ceux du siècle qui s’en va.

Sa langue est simple ; sa pensée forte.

Malherbe peut venir. L’instrument dont il a besoin, est inventé. Il le reçoit des mains mêmes de l’inventeur (1)[1]. Qu’il le perfectionne !… On sait s’il y a manqué.

  1. (1) Voy. la Satire adressée par Vauquelin à Malherbe au moment où celui-ci quitte la Provence pour venir à Paris. L’intimité de Vauquelin et de Malherbe résulterait suffisamment de cette pièce, si l’on ne savait d’ailleurs