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Que corrompit ainsi la Latine et Thioise ;
Qui par les Cours des grands Romande se forma,
Et chacun à la fin ceste dernière aima.
Les Normands derechef, suiuant hors de leur terre
Guillaume leur grand duc, mirent en Angleterre
Leur coustume et leur langue, et delà d’autres lois,
Qu’en François bien long tems n’ont point eu les Anglois.
D’Archilocque premier la furieuse rage
De son ïambe propre arma le fier courage :
Ce pied du gros soulier des Comicques fut pris,
Et du beau brodequin des tragiques espris :
Outil propre à traiter des communes affaires,
Des propos mutuels et des bruits populaires.
Se pouuant comme on veut en François r’apporter,
Car il peut en tous vers l’oreille contenter :
Mais nostre vers d’huict sied bien aux comédies (1)[1],
Comme celuy de douze aux graues Tragédies.
Nos longs vers on appelle Alexandrins, d’autant
Que le Roman qui va les prouesses contant
D’Alexandre le grand, l’vn des neuf preux de l’aage
En ces vers fut escrit d’vn Romanze langage :
Héroïques ainsi les Carmes furent dits.
D’autant que des Héros les hauts gestes iadis

  1. (1) A la farce, oui ; mais non à la haute comédie. Le vers de huit syllabes est trop sautillant. L’Alexandrin, au contraire, avec quelques rejets, n’est ni trop lourd ni trop léger. C’est ainsi que Molière l’a compris, et l’on peut s’en rapporter à lui, — ce nous semble.