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Capable le rendant, comme on void, de pouuoir
Tout plaisant argument en ses vers receuoir.
Desportes d’Apolon ayant l’ame remplie,
Alors que nostre langue estoit plus accomplie,
Reprenant les Sonnets, d’art et de iugement
Plus que deuant encor écriuit doucement.
De nostre Cathelane ou langue Prouençalle
La langue d’Italie et d’Espagne est vassalle :
Et ce qui fist priser Pétrarque le mignon,
Fust la grâce des vers qu’il prist en Auignon :
Et Bembe reconnoist qu’ils ont pris en Sicille
La première façon de la Rime gentille.
Que l’on y fut planter auecques nos Romanis,
Quand conquise elle fut par nos Gaulois Normands,
Qui faisoient de leurs faits inuenter aux Trouuerres
Les vers que leurs louglours, leurs Contours et Chanterres
Rechantoient par après : (Ainsi les Grecs auoient
Des Rapsodes, qui lors tous les carmes sçauoient
D’Homère et d’Hésiode, estant les secrétaires,
Interprètes, conteurs des fabuleux raisteres
De ces poètes vieux) lors Tristau de Cisteaux
En Pouille auec Guiscart plantoit ses panonceaux.
Puis en suite plus grand Tancred de Hauteuille
Conduisant douze fils de sa terre fertille,
Mist en Pouille et Calahre vn vulgaire François
Du Cathelan, Roman, Vualon et Thiois,
Langages tous formez sur la langue Gauloise,