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Toutesfois tout le corps des figures dépeintes
Donnent vn grand plaisir ainsi qu’elles sont feintes :
Ce sont des vers muets que les tableaux de prix,
Ce sont tableaux parlants que les vers bien écris.
Le Peintre et le Poëte ont gaigné la puissance
D’oser ce qu’il leur plaist, sans faire à l’Art nuisance :
Au moins nous receuons cette excuse en payraent,
Et la mesme donnons aux autres mesmement.
Mais non pas toutesfois que les choses terribles,
Se ioignent sans propos auecques les paisibles :
Comme de voir couplez les serpens aux oyseaux,
Aux tigres furieux les dous bellants agneaux.
Tout se doit rapporter par quelque apartenance,
Tant qu’vn fait ioint à l’autre ait de la conuenance,
Comme en Crotesque on voit par entremeslemens
De bestes et d’oyseaux diuers accouplemens.
Bien souuent bastissant d’vn hautain artifice
Quelque ouurage superbe, on met au frontispice
Et de pourpre et d’azur maint braue parement,
Pour enrichir le front d’vn tel commencement.
Tout de mesme on descrit la forest honorée.
Et l’autel où iadis fut Diane adorée,
Ou le bel arc en ciel bigarré de couleurs.
Ou le pré s’émaillant de différentes fleurs,
Ou le Rhin Germanique, ou la Françoise Seine,
Qui par tant de beaus champs en serpent se pourmeine.
Puis embrasse en passant de ses bras tortueux