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Que le vray naturel, qu’vn sçauant peintre imite :
Il est aussi plus beau voir d’vn pinceau parlant,
Dépeinte dans les vers la fureur de Roland,
Et l’amour forcené de la panure Climene,
Que de voir tout au vray la rage qui les mené.
Tant s’en faut que le beau, contrefait, ne soit beau,
Que du laid n’est point laid vn imité tableau :
Car tant de grâce auient par celle vray-semblance,
Que surtout agréable est la contrefaisance.
Donc s’vn peintre auoit peint vn beau visage humain,
Y ioignantpujs après, d’vn trait de mesme main,
Vn haut col de cheual dont l’estrange figure
D’vn plumage diuers bigarrast la nature.
Et qu’ores d’vne beste, et qu’ores d’vn oyseau
Il adioutast vn membre à ce monstre nouueau,
Ses membres assemblant d’vne telle ordonnance,
Que le bas d’vn poisson eust du tout la semblance,
Et le haut d’vne femme, ainsi qu’on dit qu’estoient
Celles qui de leurs voix les nochers arrestoient :
Sire, venant à voir ce monstre de Sirène,
De rire, que ie croy, vous vous tiendriez à peine.
Croyez, ô mon grand Roy, qu’en ce tableau diuers,
Semblable vous verrez vn beau liure en ces vers,
Auquel feintes seront diuerses Poésies,
Comme au chef d’vn fieureux sont mille fantasies :
De sorte que le bas ni le sommet aussi
Ne se rapporte point à mesme sorte icy :