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lion de francs chacune, furent remises au prince de Metternich, à lord Castlereagh, à MM. de Nesselrode et de Hardenberg. Les autres plénipotentiaires reçurent de 5 à 600,000 francs chacun. On ne dit pas quelle somme put revenir à M. de Talleyrand dans cette indigne récompense ; il est possible qu’il ne retînt rien : sa part avait été assez largement faite lors de l’abandon des territoires, des places, des ports, et du milliard et demi de valeurs dont la convention du 23 avril nous avait spoliés. — Par un déplorable exemple de justice distributive humaine, on avait exécuté, en place de Grève, quatre jours auparavant, un pauvre diable condamné à mort pour avoir essayé de contrefaire quelques pièces de dix et de quinze sous[1] !

Le prince de Bénévent était resté ministre des affaires étrangères, pendant de longues années, sous la République et sous l’Empire. Les gens de l’ancien régime et les anciens titrés avaient trouvé de bon goût d’attribuer aux talents diplomatiques d’un homme de leur monde et de leur caste les agrandissements territoriaux de la France nouvelle, ainsi que les changements que l’épée des généraux de la République et celle de l’Empereur avaient successivement tracés sur les cartes de la vieille Europe. Le public, qui est toujours de l’opposition et qui se prend aux paradoxes bien plus qu’à la vérité, avait accepté ce jugement. Tant que M. de Talleyrand écrivit sous la dictée de Napoléon, sa réputation ne pouvait souffrir aucune atteinte ; mais, une fois livré à ses propres forces, il dut descendre du piédestal que lui avaient dressé les prôneurs de l’ancien ordre politique en haine du nouveau régime et des hommes nouveaux. Ce piédestal était d’autant plus élevé que l’Empereur avait tenu plus longtemps le prince de Bénévent auprès de sa personne. Comme la plupart des hommes de la période impériale, M. de Talleyrand brillait principalement de l’éclat que la gloire et le génie de l’Empe-

  1. L’exécution avait eu lieu le 26 mai.