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— 1814 —

tout livré. « Ce traité de paix, à dit dans ses Mémoires un des ministres étrangers qui assistaient à la rédaction[1], fut la conséquence nécessaire de la convention du 23 avril, la France ayant été dessaisie, par l’inadvertance honteuse de son ministère, des gages d’une paix moins défavorable. » Le poids de cette inadvertance et de cette honte ne saurait retomber sur le comte d’Artois ni sur Louis XVIII ; le premier, nous l’avons dit, dut signer et signa sans lire ; le second subit la position que lui avait faite le gouvernement provisoire. C’est à M. de Talleyrand seul qu’appartient la double responsabilité du traité de paix et de la convention d’armistice.

Le traité de paix, signé après la rédaction définitive de la Charte, porte la date du 30 mai ; annoncé à la population parisienne par le canon des Invalides, dans la journée du 1er juin, il fut, en outre, publié sur les places du Carrousel, de la Chambre des députés, du palais du Luxembourg, Maubert,

    n’avaient que des préjugés d’ancien régime ; et, comme je me bornais à répondre que le malheur devait les avoir en partie corrigés : « Corrigés ! me dit-il, ils sont incorrigés et incorrigibles ! Il n’y en a qu’un, le duc d’Orléans, qui ait des idées libérales ; mais, pour les autres, n’en espérez jamais rien. — Si c’est votre opinion, Sire, pourquoi les avez-vous ramenés ? — Ce n’est pas ma faute ; on m’en a fait arriver de tous les côtés ; je voulais du moins les arrêter, afin que la nation eût le temps de leur imposer une constitution ; ils ont gagné sur moi comme une inondation. Vous m’avez vu aller à Compiègne au-devant du roi ; je voulais le faire renoncer à ses dix-neuf ans de règne et autres prétentions de ce genre. La députation du Corps législatif y était aussitôt que moi pour le reconnaître de tous temps et sans condition. Que pouvais-je dire quand les députés et le roi étaient d’accord ?... C’est une affaire manquée ; je pars bien affligé. » (T. V, p.309 à 311.)
    Le comte Lavalette, dans ses Mémoires, ajoute :
    « Alexandre voulut fixer le sort de la reine Hortense ; il la fit nommer duchesse de Saint-Leu. Louis XVIII n’osa pas refuser ouvertement ; mais son ministre Blacas y mit tant de mauvaise grâce, qu’Alexandre donna l’ordre à l’aide de camp chargé de lui apporter ce brevet de duchesse de ne pas quitter les Tuileries, et d’y coucher même jusqu’à ce qu’il l’eût obtenu... La veille de son départ, Alexandre dit au prince Eugène : « Je ne sais si je ne me repentirai pas un jour d’avoir mis les Bourbons sur le trône ; croyez-moi, mon cher Eugène, ce ne sont pas de bonnes gens. Nous les avons eus en Russie, et je sais à quoi m’en tenir sur leur compte. » (T. II, p. 126 et 127.)

  1. Le baron de Stein.