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— 1814 —

tes les extravagances, à tous les excès, et substituer le gouvernement de la place publique et de la rue à l’action des pouvoirs régulièrement établis ; que, pour lui, il ne se regarderait jamais comme libre là où existerait la liberté de la presse. « Mais, si l’on comprime l’essor de la pensée, répliqua M. Germain-Garnier, elle agira dans l’ombre ; on aura des complots, des conspirations. Donner la liberté de la presse, c’est changer les piques en plumes. »

M. de Montesquiou intervint. Pour lui, la discussion était sans objet, prévenir et réprimer étant synonymes. « Qui prévient réprime, » disait-il. Quelques membres se rangèrent à son avis. On mit aux voix la suppression demandée par M. Boissy-d’Anglas. Les commissaires, qui ne voyaient qu’un double emploi, une redite, dans le mot prévenir, en votèrent la suppression, et donnèrent ainsi la majorité aux partisans de la liberté de la presse. La conquête de cette liberté, sans laquelle nulle autre n’existe, et qui constituait pour ainsi dire à elle seule toute la Charte de 1814, Charte qui nous régit encore, fut le résultat d’une confusion grammaticale[1].

Les articles 9, 10 et 11 furent admis sans discussion. Le premier garantissait l’inviolabilité des ventes de biens nationaux ; le second consacrait le principe de l’expropriation pour cause d’utilité publique ; le troisième interdisait toute recherche des opinions et des votes émis antérieurement à la Restauration. MM. Dambray, de Montesquiou et Ferrand ne proposèrent sans doute pas le premier et le dernier article sans effort. Mais la déclaration de Saint-Ouen ne permettait pas d’en modifier les termes ; ils n’étaient que la reproduction littérale de deux de ses paragraphes.

L’article 12 ne renfermait d’abord que ces mots, accomplissement d’une promesse faite par tous les princes de la famille royale à leur entrée sur le territoire : « La conscription est abolie. » M. Lainé fit observer qu’il était cependant né-

  1. Nous rappelons que ce volume été publié pour la première fois en 1844. La Charte de 1814, modifiée en 1830, a cessé d’exister en 1848.