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et pour que l’exception devint le principe ; la majorité de la commission y consentit, et les deux articles furent rédigés de la manière suivante :

« Chacun professe sa religion avec une égale liberté, et obtient pour son culte une égale protection.

Néanmoins, la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de l’État[1]. »

L’article 7 n’assurait un traitement qu’aux seuls ministres du culte catholique. MM. Boissy-d’Anglas et Chabaud-Latour, reproduisant l’argumentation qui avait amené le comité à modifier les deux articles précédents, obtinrent de faire jouir de cette faveur les autres cultes chrétiens.

L’article 8, sur la liberté de la presse, devait occuper plus longtemps la commission ; il était ainsi formulé : « Les Français ont le droit de publier et de faire imprimer leurs opinions, en se conformant aux lois qui doivent prévenir et réprimer les abus de cette liberté. »

M. Boissy-d’Anglas demanda la suppression du mot prévenir. « Réprimer un abus, disait-il, c’est empêcher qu’il ne se reproduise ; le prévenir, c’est empêcher de le commettre. Or le moyen d’empêcher, en fait de presse, à moins de rétablir la censure ! Le droit de publier et de faire imprimer ses opinions, dans ce cas, n’existe plus. »

M. de Fontanes, l’apologiste verbeux et fleuri du despotisme impérial, répondit qu’il n’y avait pas de gouvernement possible avec la liberté de la presse telle que l’entendait son collègue ; que donner à tout le monde le droit de publier et de faire imprimer tout ce qui lui conviendrait sur les principes, les institutions et les personnes, c’était ouvrir la digue à tou-

  1. On lit, à cette occasion, dans les Mémoires tirés des papiers d’un homme d’État (le prince de Hardenberg, alors à Paris) : « Un billet d’un des rédacteurs de la Charte arrive au prince de Talleyrand à son réveil, et lui apprend que ces mots ont dû être insérés dans la Charte : Religion de l’État. Cet homme, si maître de lui en général, ne peut se contenir, et s’écrie, avec la fureur d’une époque qui n’était plus : Ah ! la religion de l’État ! ah ! c’est pour avoir une religion de l’État que l’on a rappelé les Bourbons ! »