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— 1814 —

Les articles 5 et 6 du projet étaient ainsi conçus :

« La religion catholique, apostolique et romaine est la religion de l’État.

Néanmoins, chacun professe sa religion avec une égale liberté, et obtient pour son culte une égale protection. »

La commission renfermait deux protestants, MM. Boissy-d’Anglas et Chabaud-Latour. Ils firent observer que cette rédaction présentait une contradiction choquante avec les termes de la proclamation de Saint-Ouen. Le roi avait promis l’égalité religieuse, et le projet n’établissait que l’inégalité des cultes : la suprématie du catholicisme devenait le principe ; le libre exercice des cultes dissidents était l’exception. Ils insistèrent pour que les termes de l’article fussent intervertis,

    jugement, les uns pendant six et huit ans, les autres pendant dix ou douze années consécutives. Tous avaient d’abord été enfermés au château de Vincennes. Mais les huit châteaux forts assignés aux détenus de leur catégorie s’étant bientôt trouvés trop étroits, on les avait transférés, les uns à Sainte-Pélagie, les autres à Bicêtre. Un décret du 3 mars 1810 allouait, par jour, à chaque prisonnier politique, pour ses dépenses de nourriture et d’entretien, une indemnité de quatre francs. Les pétitionnaires n’avaient reçu cette indemnité que pendant quelques mois ; tous s’étaient vus ensuite réduits au pain et à la paille des prisons, et plusieurs de leurs compagnons d’infortune avaient succombé aux privations et à la misère. Les pétitionnaires venaient prier la Chambre d’intervenir, pour les aider à contraindre les ducs d’Otrante et de Rovigo, anciens ministres de la police impériale, de leur restituer l’indemnité qu’ils n’avaient point reçue, et que ces deux personnages, disaient-ils, avaient retenue à leur profit. Cette demande en restitution formait la première partie de la pétition.
    La police avait exercé envers le général de Grisolles et quelques autres prisonniers des rigueurs exceptionnelles : traduit, comme Vendéen, au mois de vendémiaire an XII, devant une commission spéciale, et acquitté à l’unanimité, ce général était cependant resté détenu au Temple pendant trois années : il n’avait quitté cette prison que pour se voir jeter dans un infect cachot de Bicêtre, où, garrotté, à son arrivée, dans une camisole de force, lié par les pieds et par le cou de manière à ne pouvoir lever la tête, il avait vu mourir, à ses côtés, plusieurs détenus soumis au même traitement. Quelques amis des prisonniers étant parvenus à faire arriver la connaissance de ces sévices au grand juge, ce ministre avait ordonné une instruction judiciaire. L’instruction fut commencée, mais la police ne tarda pas à l’arrêter. Les pétitionnaires venaient en demander la continuation.
    La Chambre passa à l’ordre du jour sur la première partie de la pétition, et renvoya la seconde au gouvernement.