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des deux mains ces promotions incroyables, il allait au-devant des demandes : Quel grade désirez-vous ? disait-il aux courtisans. Cette débauche dura de longs mois : elle eut pour résultat la création de près de quatre cents officiers généraux et de plusieurs milliers d’officiers supérieurs ou subalternes[1].

Cependant l’état-major général de l’armée, loin de pouvoir se trouver ainsi augmenté sans mesure, demandait, au contraire, à subir une diminution considérable. L’armée de la Royauté restaurée ne pouvait plus être, en effet, l’armée de l’Empire. Le nombre et la force des régiments, sous Napoléon, étaient calculés pour une guerre contre toute l’Europe, et d’après un chiffre de population qui n’était pas moindre de cinquante millions d’âmes. L’armée nouvelle devait perdre ces gigantesques proportions ; il était nécessaire de la ramener à l’effectif du pied de paix, et de la réduire dans la mesure de notre territoire et de notre population amoindris.

Dès le 6 mai, une commission avait été chargée de déterminer la nouvelle organisation. Son travail forma l’objet de cinq ordonnances, qui, le 12 mai, fixèrent le pied de paix de l’armée à 200,716 officiers, sous-officiers et soldats, les six régiments formés par l’ex-vieille garde impériale non compris. Il était difficile de restreindre davantage notre force militaire. Près de 14,000 jeunes et braves officiers se trouvèrent sans emploi par suite de cette réduction ; renvoyés dans leurs foyers avec une demi-solde, ce furent autant d’adversaires que le gouvernement dissémina sur tous les points du territoire. Ce chiffre de mécontents aurait été moindre, si le général Dupont, ardent comme le sont tous les nouveaux convertis, et irrité de la déconsidération attachée à sa personne et à son nom, ne s’en était vengé sur les débris de l’armée impériale, en introduisant dans les nouveaux cadres le plus grand nombre possible de ces officiers improvisés, qui puisaient leurs titres dans les

  1. Le chiffre des seuls officiers généraux créés par la Restauration, en pleine paix, dans les quinze premiers mois de son existence, s’élève à 387, divisés ainsi : lieutenants généraux, 134 ; maréchaux de camp, 253.