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— 1814 —

sitôt autorisé à s’attribuer un grade plus ou moins élevé, en comptant d’abord comme activité de service tout le temps écoulé depuis qu’il avait déposé sa cocarde ou son arme ; puis, comme autant de campagnes, les années passées à l’armée des princes ou à l’armée de Condé, ou les insurrections et les soulèvements dans lesquels il avait pu faire nombre. Affublés d’uniformes inconnus ou même d’habits de ville grotesquement travestis en habits militaires, les milliers d’officiers de tout grade qui venaient de se créer à l’aide de ces calculs encombraient les escaliers des Tuileries, assiégeaient les salons de ce palais ainsi que les bureaux de la guerre, faisant grand bruit de leur fidélité, de leurs services, et exigeant, avec la violence de vainqueurs qui auraient renversé l’Empire et rétabli la Royauté, la confirmation des grades qu’ils se donnaient, ainsi que le monopole des emplois dans l’armée active.

Non content de faire droit au plus grand nombre de ces réclamations, le général Dupont allait plus loin. Le roi et les membres de sa famille, cédant à l’exemple des princes étrangers, avaient adopté l’uniforme militaire pour costume habituel ; nombre de courtisans, désirant se modeler sur les maîtres, voulurent revêtir, comme ceux-ci, des habits surmontés d’épaulettes, et se virent transformés, du jour au lendemain, par le ministre de la guerre, en lieutenants généraux ou en maréchaux de camp. À défaut de titres personnels à un grade quel qu’il fût, ils sollicitaient et le ministre leur accordait le grade qu’avait eu leur père ou leur aïeul. D’un autre côté, le personnel diplomatique venait d’être presque entièrement renouvelé au profit de personnages de l’ancien régime. Or l’état de guerre où se trouvait l’Europe depuis vingt-deux ans avait donné des habitudes militaires à toutes les cours ; les nouveaux diplomates crurent ne pouvoir y paraître qu’avec l’uniforme des plus hauts grades ; on les fit généraux. M. de Talleyrand, entre autres, se servit de ce motif pour faire donner à plusieurs membres de sa famille le grade de lieutenant général ou de maréchal de camp. Le général Dupont ne se bornait pas à signer