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— 1814 —

rapport de M. Malouet, ministre de la marine, contenait les dispositions suivantes :

« Art. 2. Pourront être admis dans notre marine royale ceux des anciens officiers qui, après avoir quitté le service de la France, auraient continué de naviguer au service d’une autre puissance maritime ; ceux qui ont échappé aux désastres de Quiberon ; ceux enfin qui, depuis leur rentrée en France... ont été repoussés.

Art. 3. Les officiers qui auront servi à l’étranger seront portés dans notre marine royale avec le grade dont ils étaient pourvus en dernier lieu, et les autres pourront y obtenir un grade immédiatement supérieur à celui qu’ils avaient à l’époque où ils ont quitté le service de France.

Art. 4. Les anciens officiers jouiront (pour les pensions à accorder) du bénéfice des campagnes de guerre qu’ils auront pu faire au service des puissances aujourd’hui nos alliées, depuis leur émigration jusqu’au 1er avril 1814. »

Ainsi, en même temps que le fait d’avoir porté les armes contre la France, d’avoir ruiné notre négoce maritime, détruit nos navires de guerre ou de commerce, tué ou capturé nos matelots, était un titre pour le commandement des bâtiments de l’État, et imposait au trésor national la charge de pensions onéreuses, on comptait comme service actif et donnant droit à l’avancement les quinze ou vingt années pendant lesquelles les émigrés échappés au désastre de Quiberon, ou revenus en France sous le Directoire et le Consulat, étaient restés oisifs au coin de leur feu. Cette ordonnance n’eut pas seulement pour résultat de jeter l’irritation la plus vive dans tous les rangs de notre marine militaire, de peupler les cadres de notre armée navale de vieillards morts à tout patriotisme et profondément incapables ; elle devait, par une conséquence toute logique, créer des droits ou attribuer de nouveaux grades, dans l’armée de terre, à des milliers d’émigrés et d’anciens insurgés qui n’avaient jamais eu ou qui ne possédaient plus la moindre instruction militaire. En effet, tout individu qui, depuis vingt-deux ans, s’était armé, un jour, contre la Révolution ou bien avait arboré une cocarde blanche, se crut aus-