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— 1814 —

Pensez au pauvre F... ; à la vérité, il a marqué dans le temps de la Révolution, mais je vous avoue que depuis un mois il est bien revenu. Vous savez qu’il n’a rien et qu’il est prêt à tout sacrifier pour nos maîtres. Son dévouement le porte à les servir dans une place de préfet, et il en est très capable. Vous vous rappelez la jolie chanson qu’il a faite pour moi.

M. de B..., fils de l’ancien intendant de la province, ira vous voir ; faites en sorte de lui être utile : c’est un ami de la famille. Si l’on ne rétablit pas les intendances, il se contenterait d’une place de receveur général ; c’est bien le moins que l’on puisse faire pour un homme dévoué comme lui à son prince et qui est resté enfermé six mois pendant la Terreur.

Je ne veux pas oublier de vous recommander B... On lui reproche d’avoir servi tous les partis, parce qu’il a été employé par tous les gouvernements qui se sont succédé en France depuis vingt ans ; mais c’est un brave garçon, vous pouvez m’en croire ; il est le premier ici qui ait arboré la cocarde blanche. D’ailleurs, il ne demande qu’à être conservé dans sa place de directeur des postes ; ayez soin de m’écrire sous son couvert.

Je vous adresse ci-joints les papiers de mon beau-père : il lui était dû par les États de Languedoc une somme de quarante-cinq mille francs qui ne lui a jamais été payée ; j’espère qu’on ne vous en fera pas attendre le remboursement et que vous ne refuserez pas de faire usage de ces fonds si vous éprouvez un moment de gêne, ce qui n’est guère probable dans la position où vous devez être.

Adieu, mon cher cousin je vous embrasse pour toute la famille, en attendant le plaisir de vous venir voir bientôt à Paris. »

Cette lettre ne fait que résumer, sous une forme railleuse, la foule des prétentions folles et des incroyables réclamations dont la Restauration fut assaillie à son début. Mais, en même temps qu’un des représentants les plus intelligents du nouveau régime s’efforçait ainsi de calmer la furie des réparations honorifiques ou pécuniaires exigées par la masse des anciens privilégiés, le gouvernement, entraîné par la pente naturelle du terrain où il plaçait son principe et sa force, se laissait aller aux mesures les plus impolitiques, et chaque ministre, dans le département dont il avait le portefeuille, ouvrait la porte, de ses propres mains, aux prétentions les plus étranges et aux plus coûteux abus. Une ordonnance du 25 mai, rendue sur le