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— 1814 —

vains les plus populaires de cette époque, M. de Jouy, le soin de les grouper dans un article où il en ferait ressortir l’impuissance et le ridicule. À peu de jours de là, le Journal des Débats, l’organe le plus répandu et le plus accrédité du nouveau gouvernement, publiait la lettre suivante, qu’il supposait écrite par une dame de province à un royaliste de ses parents, résidant à Paris, et à qui les habitants de sa localité supposaient quelque crédit :

« Que je suis heureuse, mon cher cousin, des événements qui ramènent sur le trône nos illustres princes ! Quel bonheur ! Vous n’avez pas d’idée du crédit que ces événements et votre séjour à Paris me donnent ici. Le préfet a peur de moi ; et sa femme, qui ne me saluait jamais, m’a priée deux fois à dîner.

Mais il ne faut pas perdre de temps, et nous comptons sur vous. Croiriez-vous que mon mari n’a pas encore fait la moindre démarche pour se faire réintégrer dans sa place, sous prétexte qu’elle n’existe plus et que sa charge lui a été remboursée en assignats ? C’est l’homme le plus apathique qu’il y ait en France.

Mon beau-frère a repris la croix de Saint-Louis ; il ne lui manquait plus que neuf ans pour l’avoir lorsque la Révolution a éclaté : il ne serait pas juste que l’on refusât de compter au nombre de ses services les vingt ans de troubles et de malheurs qu’il a passés dans ses terres ; il compte sur vous pour lui faire expédier promptement son brevet[1].

Je joins à ma lettre un mémoire en faveur de mon fils aîné ; il avait droit à la survivance de son oncle ; il vous sera facile de la lui faire obtenir. Je désirerais que son frère le chevalier entrât dans la marine, mais avec un grade digne de son nom et des anciens services de sa famille. Quant à mon petit-fils G... il est d’âge à entrer dans les pages, et vous n’auriez qu’un mot à dire pour qu’il y soit placé.

Nous partirons pour Paris dans les premiers jours du mois prochain, et j’amènerai ma fille avec moi. J’ai le projet de la placer à la cour ; c’est une faveur qu’on ne refusera pas à vos sollicitations, si vous y mettez un peu de suite et de bonne volonté.

  1. Voici, entre autres demandes de cette nature, la requête d’un gentilhomme du Languedoc, arrondissement de Saint-Gaudens :
    « Sire, je n’ai pu mériter aucune de ces glorieuses distinctions toujours héréditaires dans ma famille ; je n’en espère pas moins que vous daignerez excuser ma témérité, lorsque j’ose, au nom de mes aïeux, demander à Votre Majesté la croix de Saint-Louis. »
    La croix, assure-t-on, avait été accordée.