Louis XVIII, ainsi que l’avait fait son frère, se rendit à l’église Notre-Dame, où il reçut l’eau bénite et l’encens, et entendit un Te Deum. Prenant ensuite le chemin des Tuileries, il salua, sur le pont Neuf, la statue en plâtre de Henri IV, que le gouvernement provisoire y avait fait réédifier. À cinq heures, il entra enfin dans le palais que son frère Louis XVI, la reine Marie-Antoinette et la princesse Elisabeth, sa sœur, avaient quitté vingt-deux ans auparavant pour entrer dans la prison du Temple, et, de là, monter à l’échafaud. L’émotion de la duchesse d’Angoulême, en revoyant les appartements habités par sa famille et par elle avant la journée du 10 août fut si forte, qu’elle tomba évanouie. Une première fois, elle s’était trouvée mal en face de la Conciergerie, prison de sa mère et de sa tante Élisabeth lors de leur condamnation par le tribunal révolutionnaire. Ces souvenirs douloureux, exaltés, dans les années qui suivirent, par la fausse sympathie des courtisans, et exploités par leurs passions intéressées, devaient exercer sur le langage, sur les actes mêmes de cette princesse, une influence fâcheuse pour sa personne et pour la cause de sa famille.
Enfin, Louis XVIII avait franchi le seuil des Tuileries. Dès les premières heures de son installation, il se trouva aux prises avec des difficultés dont il ne soupçonnait ni les ennuis ni les périls. Au dehors de son palais, une France jeune et des générations nouvelles ; au dedans, une cour vieillie et des conseillers dont l’existence, les préjugés ou les opinions appartenaient tout entiers au passé : l’antagonisme était partout ; et, par le fait seul du rétablissement des Bourbons, il existait deux sortes de noblesse et d’illustration, deux sortes de magistrature et de clergé, deux sortes de propriétés et de services. On pouvait voir réunis, dans les salons des Tuileries, les chefs des insurgés de Lyon, du Midi, de la Bretagne et de la Vendée, et les généraux qui les avaient vaincus ; les condamnés royalistes de toutes les dates, et leurs juges ; les hommes qui avaient livré Toulon aux Anglais, aux Espagnols, et ceux
