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— 1814 —

Enfin, nul individu ne pourra être inquiété pour ses opinions et ses votes.

Fait à Saint-Ouen, le 2 mai 1814.

Louis. »

Toute difficulté se trouvait levée. Le Sénat pouvait enfin offrir au nouveau roi ses hommages et ses félicitations. Les sénateurs se présentèrent en corps à Saint-Ouen. M. de Talleyrand, dans ses fonctions multiples, remplit encore en cette occasion l’office de président et d’orateur. Introduit à neuf heures du soir, à la tête de tous ses collègues, devant Louis XVIII, il lut, au milieu du plus profond silence, un discours, mélange d’adulation sentimentale et de métaphysique politique, et dans lequel le Sénat et lui, calomniant la France et eux-mêmes, osaient dire que, depuis vingt ans, l’honneur français s’était réfugié dans l’armée, et que les gouvernements dont ils avaient tous été les plus actifs instruments, les flatteurs ou les ministres, n’avaient enfanté que des malheurs et des ruines. Cette honteuse harangue n’eut pas tout le succès qu’en attendaient ses auteurs. Louis XVIII, encore sous le coup de la contrainte à laquelle il venait de céder, subit ce discours plutôt qu’il ne l’écouta. Ces mots : « Je suis sensible à l’expression des sentiments du Sénat, » accompagnés d’un geste de congé, furent toute sa réponse.

Le public n’était pas dans la confidence des débats que nous venons de raconter. La déclaration de Saint-Ouen, affichée sur tous les murs de Paris, le matin du 3 mai, fut, pour l’immense majorité de la classe éclairée et des classes moyennes, la promesse d’un long avenir de paix et de liberté ; cette partie de la population, entraînée par un subit et sincère enthousiasme, se porta en masse sur toute la ligne que devait traverser le cortége. La curiosité y amena les classes laborieuses.

La voiture où se trouvait le roi était une calèche découverte attelée de huit chevaux des écuries de l’Empereur et conduits par des hommes ayant encore la livrée de Napoléon.