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— 1814 —

mais jamais cette Assemblée aurait-elle pu même y songer, si la déclaration de déchéance n’avait pas précipité la chute de l’Empereur ? Le Tzar ne contestait pas le droit ; ce qu’il demandait, c’est que le roi tînt compte des changements survenus depuis vingt ans, et qu’il fît la part des circonstances et de la nécessité. Non-seulement, disait-il, lui et les souverains ses alliés avaient garanti à la France la constitution votée par le Sénat ; mais Louis XVIII lui-même n’était plus libre de la repousser ; car, en admettant, ajoutait Alexandre, que le roi méconnût les promesses faites par les souverains, il ne devait pas oublier que son frère avait formellement accepté, en son nom, les bases de la constitution sénatoriale, et que c’était uniquement sur la foi de cet engagement que le comte d’Artois avait reçu du Sénat le titre de lieutenant général du royaume. Louis XVIII, heureux de pouvoir abriter sous ce dernier argument la contrainte à laquelle il se voyait obligé de céder, dit que, quelque déplaisir qu’il pût en avoir, il tiendrait la parole donnée en son nom, mais à trois conditions : il conserverait le titre de roi de France et de Navarre ; il se conformerait à la vieille loi monarchique en continuant à faire remonter la date de son règne à la mort de Louis XVII ; enfin, il ne recevrait pas la constitution des mains du Sénat, il la promulguerait comme un acte de sa propre volonté.

Concéder ces trois points, c’était abandonner, non les garanties politiques stipulées dans l’œuvre sénatoriale, mais le principe essentiel de cette constitution. Si le Sénat s’emparait du pouvoir constituant, il s’appuyait du moins sur le principe de la souveraineté nationale, et la consacrait. En accordant la constitution au lieu de se borner à l’accepter, Louis XVIII niait ce principe et ne reconnaissait de souveraineté qu’en lui seul. Cette distinction devait échapper au Tzar : il ne l’aperçut même pas ; et, croyant faire un simple sacrifice de forme, il consentit aux concessions demandées, et quitta son hôte après être convenu avec lui des principales dispositions d’une déclaration que le roi promit de faire publier le lendemain. Le 2,