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— 1814 —

délicate de la constitution ; mais il n’y eut abandon ni confiance d’aucun côté. Voici les détails publiés par un écrivain royaliste sur cette entrevue :

« Alexandre demanda quels pouvaient être les scrupules du roi. Le droit divin était-il compris de son peuple ? Avec les idées de l’époque, les mots par la grâce de Dieu ajoutaient-ils quelque chose à la grandeur de la Royauté ? Pourquoi anti-dater son règne ? L’histoire ne dira-t-elle pas que la Convention, le Directoire, le Consulat et Napoléon ont régné sur la France ? Pourquoi ne pas reconnaître ce qu’on doit au Sénat ? N’avait-il pas prononcé la déchéance de Bonaparte et rappelé les Bourbons ?

Louis XVIII répondit que les membres du Sénat ne pouvaient à aucun titre disposer de la couronne de France ; que ce ne serait pas à lui, dans tous les cas, qu’ils l’auraient offerte s’ils avaient été réellement les maîtres de la décerner selon leur bon plaisir, que le droit appelé divin par l’esprit religieux de l’ancienne Monarchie n’était que la conséquence naturelle de la loi du pays, loi faite pour le bien général de la société, qui avait déjà donné à la Monarchie française plus de huit cents ans d’une glorieuse existence, et en vertu de laquelle, depuis la mort de Louis XVII, il était roi de France. Si mon droit au trône, poursuivait le roi, n’était pas tout entier dans cette loi, quel serait mon titre pour y prétendre ? Que suis-je hors de ce droit ? Un vieillard infirme, un malheureux proscrit, réduit à mendier, loin de sa patrie, un asile et du pain ! Tel j’étais encore il y a peu de jours ; mais ce vieillard, ce proscrit, était le roi de France. Ce seul titre a suffi pour que la nation entière, éclairée enfin sur ses véritables intérêts, le rappelât au trône de ses pères. Je reviens à sa voix, mais je reviens roi de France[1] ! »

Si Louis XVIII n’avait pas été le chef de l’ancienne race royale, le Sénat assurément n’aurait jamais rappelé ce prince ;

  1. Histoire de la Restauration, par M. Lubis.