Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 2.djvu/6

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
2
— 1814 —

chargé le pouvoir, créé par elle, de préparer l’acte constitutionnel dont elle avait posé les principes. M. de Talleyrand et ses collègues de gouvernement devaient leur nouvelle position au Sénat ; la complicité de ce corps faisait toute leur force ; ils s’adjoignirent donc pour la rédaction de l’acte constitutionnel une commission de cinq sénateurs. De son côté, le Sénat, en créant un gouvernement nouveau, avait anéanti les lois constitutives de son existence légale ; réuni sur une convocation de l’empereur de Russie, son pouvoir usurpé reposait uniquement sur l’appui prêté par ce souverain à ses décisions et à ses actes ; les sénateurs, à leur tour, exigèrent, comme un surcroît de garantie pour le maintien de la constitution nouvelle, la présence et le concours du principal ministre d’Alexandre aux délibérations du comité chargé de la rédiger. Par cette adjonction, la commission de constitution se trouva ainsi composée : M. de Talleyrand, le duc de Dalberg, le général Beurnonville, le comte de Jaucourt, l’abbé de Montesquiou, membres du gouvernement provisoire ; MM. Barbé-Marbois, Destutt de Tracy, Eymery, Lambrecht, Lebrun, due de Plaisance, sénateurs ; le secrétaire d’État russe, comte de Nesselrode.

Cet étrange comité ne put se réunir le lendemain, 2 ; la déclaration de déchéance, précipitée par la démarche ardente de l’avocat Bellart, fut l’unique travail du Sénat dans cette journée. Le 3, enfin, le comité de constitution s’assembla. Les sénateurs-commissaires arrivèrent avec un projet tout préparé. Ce projet, développement des principes proclamés le 1er avril, réglementait les conditions et les formes du gouvernement ; mais, en même temps qu’il faisait une part exorbitante à la position politique et aux intérêts privés des membres actuels du Sénat, il gardait le silence le plus absolu sur la famille appelée à occuper le trône et sur le nom du souverain. L’abbé de Montesquiou, qui représentait dans le nouveau pouvoir l’élément royaliste pur, s’étonna de cette lacune. La déclaration par laquelle la France se replaçait sous le sceptre des Bourbons devait précéder, dominer, disait-il, tout le tra-