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— 1814 —

néral et de sa petite cour, s’efforçait, au contraire, de faire triompher la cause des vieilles formes et du vieux droit. L’Acte constitutionnel du 6 avait, dès l’abord, irrité Louis XVIII. Toutefois ce n’étaient point les garanties politiques stipulées dans cet Acte qui le mécontentaient ; sa pensée, on l’a vu dans le précédent volume, s’était familiarisée depuis longtemps avec la nécessité d’une transaction. Mais se résigner à ne monter sur le trône qu’en vertu du rappel du Sénat, et à ne prendre le titre de roi qu’après avoir solennellement juré l’observation des conditions imposées par les sénateurs, voilà ce qui révoltait sa fierté. Une pareille concession lui semblait l’abandon de tous les droits de sa naissance, et une atteinte à l’honneur de sa race. Vainement M. de Talleyrand lui faisait remettre à chaque relais, pour ainsi dire, des rapports ou des notes dans lesquelles ce personnage lui disait « qu’il croyait indispensable à Sa Majesté de déclarer, par des lettres patentes publiées avant son entrée à Paris, qu’elle acceptait la constitution, sauf la modification ultérieure de plusieurs articles qu’elle se réserverait de discuter dans le Sénat ; qu’il était de la plus haute importance de fixer le jour pour la prestation du serment, afin d’arrêter la fluctuation des idées et de lier le soldat ; de ne donner aucun pouvoir aux maréchaux, mais de flatter leur vanité ; que l’amour du peuple pour la personne du roi allait jusqu’à l’exaltation, mais que l’armée avait un mauvais esprit... » etc[1] ; Louis XVIII ne prenait aucun parti. À la vérité, les informations que lui transmettaient les royalistes annonçaient qu’il pouvait et devait tout oser. Ces avis allaient mieux à ses secrètes convictions ; mais les royalistes s’étaient

  1. Une de ces notes se terminait ainsi :
    « M. de Talleyrand met tout son bonheur à dévouer sa vie entière au service du roi, et ne demande rien pour lui ; cependant il se croit nécessaire aux relations extérieures et en demande le département. M. de Talleyrand supplie, en outre, le roi de vouloir bien accorder à madame Edmond de Périgord le titre de dame du palais, dont sa conduite et sa piété la rendent digne. » La dame dont M. de Talleyrand exaltait les mœurs et la piété est la même qui s’est rendue si étrangement célèbre, depuis, sous le nom de duchesse de Dino.