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— 1814 —

Par une triste coïncidence, le numéro du Moniteur qui contenait la convention du 23 renfermait une ordonnance portant la même date, et qui, réduisant dans des proportions considérables les droits d’entrée sur toutes les denrées coloniales, ne soumettait plus qu’à un simple droit de balance l’importation du coton. L’intérêt des consommateurs réclamait assurément de notables réductions dans ces droits ; le blocus continental et ses prohibitions avaient porté les produits des colonies à des prix presque inabordables à la masse des citoyens. Toutefois, il était facile, par un abaissement gradué de tarif, de concilier tous les intérêts. Aucune transition ne fut ménagée. Le dégrèvement se produisit d’une manière si brusque, que tous les fabricants de cotonnades, tous les détenteurs de coton ou de denrées coloniales, se trouvèrent soudainement ruinés. Il y eut des villes, des provinces entières, la Normandie, entre autres, dont le commerce en masse fut contraint de se mettre en faillite. Toutes les fabriques de sucre de betterave, élevées à grands frais dans les départements du nord et du centre, se virent également obligées de fermer. La grandeur et la puissance politiques de l’Empire, son commerce et son industrie furent anéantis le même jour, et, pour ainsi dire, du même coup. On pourrait croire que la mesure qui vint ainsi abaisser immédiatement des deux tiers les prix du sucre, du café, etc., fut inspirée au gouvernement du comte d’Artois par le désir de faire au prince une facile popularité. Il n’en est rien. Depuis la prise de Paris, des bâtiments anglais, chargés de denrées intertropicales et de marchandises manufacturées, obstruaient l’embouchure de tous nos fleuves, et demandaient leur libre entrée dans tous nos ports. Les ministres du lieutenant général, en publiant l’ordonnance de douanes du 23, obéirent uniquement aux impérieuses injonctions des agents britanniques alors à Paris.

Ce fut une étrange époque que le mois d’avril 1814, époque de transition entre un empire tombé et une royauté qu’on