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— 1814 —

l’avait accueilli, et dont l’expérience et l’habileté diplomatique, à cette époque, étaient, pour ainsi dire, proverbiales. Le comte d’Artois était venu avec la pensée de refaire l’ancien régime, de retrouver l’ancienne France : installé aux Tuileries, ne voyant autour de lui que cocardes blanches et drapeaux blancs, il avait obtenu un premier résultat ; l’acte que M. de Talleyrand soumettait à son approbation complétait l’œuvre en reconstituant la France territoriale de 1789 ; pouvait-il hésiter un seul instant à le ratifier ?

Si la profonde ignorance où il était de l’état réel des faits et des nouveaux intérêts de la France explique l’approbation donnée par le comte d’Artois à cet acte fatal, il est impossible d’abriter sous cette excuse l’active et influente participation de M. de Talleyrand[1]. Le prince de Bénévent, comme homme d’État, ne mérite assurément pas la place que le préjugé public lui a longtemps accordée ; mais, ministre des relations extérieures de la République et de l’Empire durant de longues années, il comprenait la politique et savait les affaires. Ce n’est donc pas une faute, pour employer son langage, qu’il a pu commettre en cette circonstance ; et c’est en parfaite connaissance de cause qu’il a négocié et conclu la convention d’armistice. Quant aux motifs qui l’ont conduit, sa position personnelle peut les expliquer.

Bien que de tous les hauts personnages du régime impérial M. de Talleyrand fût seul resté debout au milieu de la tempête qui venait d’emporter l’Empire, il était cependant difficile qu’il ne perdît pas, dans le naufrage, la plus grande partie des immenses traitements attachés aux dignités dont l’Empereur l’avait comblé. Quels que fussent ses titres et son rang dans la nouvelle cour, les largesses des Bourbons devaient nécessairement se trouver amoindries en proportion de la puissance que l’étranger entendait leur laisser. Les contributions de la

  1. Les membres du conseil, assure-t-on, ne furent point consultés. « Je m’en plaignis aux ministres (de la convention du 23) ; tous se défendirent d’y avoir eu la moindre part. » (Mémoires du général Lafayette, t. V.)