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— 1814 —

cents bouches à feu, dont onze mille trois cents en bronze[1] ; des arsenaux pleins d’armes et de munitions ; des fonderies avec un immense matériel ; des ports avec de nombreux bâtiments de guerre du plus haut rang, à flot ou en construction[2] ; des magasins remplis d’effets d’équipement et d’approvisionnements, propriétés exclusivement françaises, résultats de plus de vingt ans de lutte et de travaux, de sacrifices longs et coûteux, voilà ce que M. de Talleyrand abandonnait sans conditions, sans compensations d’aucune sorte ; et cet abandon, il le consommait, redisons-le, alors que de nombreuses garnisons françaises, véritables armées, gardaient les îles Ioniennes, toutes les places de la Belgique, du Rhin, du Piémont, de la Lombardie, et la plupart des grandes forteresses du nord de l’Europe[3] ! Ce n’était pas même un traité de paix que cet homme achetait au prix de cet immense holocauste, mais une simple déclaration d’armistice qui ne préjugeait en rien, d’après les termes mêmes de l’acte, les dispositions de la paix ! La France, le 22 avril, était vaincue ; en signant la monstrueuse convention du 23, le prince de Bénévent la désarma. Un des négociateurs de cet acte fatal, qualifié par lui « d’inadvertance honteuse, » estime à un milliard et demi l’importance des seules valeurs mobilières et du matériel qu’il nous coûta.

Les amis du prince de Bénévent se sont efforcés de rejeter la responsabilité de cet acte sur le comte d’Artois. Le frère de Louis XVIII le ratifia certainement sans le lire ; il n’en aurait compris, d’ailleurs, ni l’importance, ni les résultats. Arrivé la veille de l’exil, ne sachant rien des nouveaux intérêts de la France et de l’Europe, il dut s’en rapporter aveuglément à M. de Talleyrand, longtemps ministre des affaires étrangères de la République et de l’Empire, chef du gouvernement qui

  1. Dans la seule place de Mayence, où nous avions en ce moment plus de 20,000 soldats valides, malades ou blessés, on comptait 500 pièces attelées.
  2. Trente et un vaisseaux de haut rang et douze frégates furent remis, avec un grand nombre d’autres bâtiments ds guerre, en vertu des art. 3 et 4.
  3. La plupart de ces places pouvaient tenir encore pendant plusieurs mois. Quelques-unes, comme Hambourg, renfermaient de 25 à 30,000 hommes,