Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 2.djvu/44

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
40
— 1814 —

un des membres du gouvernement provisoire, qui regrettait sans doute de n’avoir plus la libre disposition de ces richesses, l’abbé Louis accourut. « Ces fonds appartiennent à l’État, dit-il aux pillards ; le gouvernement seul peut en disposer. — Ils étaient la propriété privée de l’usurpateur, lui répondit-on ; c’est le produit d’une confiscation ; à ce titre, Monseigneur en est le seul maître, et ses vieux serviteurs ont certainement le droit d’y trouver une faible indemnité aux pertes immenses que leur a causées votre Révolution. » Cinq à six millions, dit-on, restaient intacts ; le comte d’Artois, à qui la difficulté fut soumise, ordonna qu’ils fussent transportés dans les caisses de la Trésorerie[1].

Ce secours fut promptement épuisé. Le gouvernement dut recourir à des ressources plus certaines. Le comte d’Artois, sur toute la route qu’il avait parcourue depuis son entrée en France, avait jeté le cri de « plus d’impôts vexatoires ! plus de droits réunis ! » Malgré les promesses si formelles de ce prince et ses discours à toutes les députations des départements vinicoles, M. de Talleyrand et ses collègues n’hésitèrent pas à le mettre en contradiction avec lui-même en lui faisant signer deux ordonnances : l’une, du 20 avril, qui enjoignait à tous les contribuables d’avoir à verser, dans un délai de huit mois, à dater du 1er février précédent, les deux tiers des contributions ordinaires et extraordinaires antérieurement décrétées pour 1814 ; et la seconde, du 27, qui maintenait la perception de toutes les taxes comprises sous le nom de droits réunis, sauf le décime de guerre, qui demeurait provisoirement supprimé. Puis, comme ces rentrées pouvaient se faire attendre, le prince ordonna une émission de dix millions de bons du Trésor.

  1. Ces cinq à six millions, les seuls qui figurent sur les registres du Trésor, forment précisément le gage sur lequel les généraux de la garde impériale, les aides de camp et les officiers de la maison militaire et civile de l’Empereur, désignés dans les états-annexes du traité de Fontainebleau, ont longtemps et vainement réclamé le payement des gratifications stipulées en leur faveur par l’art. 9 de ce traité. (Note écrite en 1844, date de la première publication de ce volume.)