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— 1814 —

nement provisoire, ils laissèrent déchirer devant eux la constitution sénatoriale ; dans une ou deux villes, l’acte constitutionnel du 6 avril fut solennellement brûlé par la main du bourreau.

Pendant que quelques-uns des délégués de sa puissance transitoire jetaient ainsi dans les départements le germe des colères qui, à moins d’un an de là, devaient forcer les Bourbons à un nouvel exil, le comte d’Artois s’enivrait, aux Tuileries, du banal et grossier encens que lui apportaient tous les corps constitués de Paris, ainsi que des députations accourues de toutes les villes et de tous les bourgs du royaume ; il parlait à tous drapeau blanc, cocarde blanche, panache blanc ; il créait un nouvel ordre de chevalerie, l’ordre du Lis, qu’il distribuait avec une générosité peu commune, et que, dans ces premiers jours d’enthousiasme improvisé, chacun sollicitait comme une sauvegarde pour sa position, ou comme un titre au traitement qu’il comptait demander. Absorbé dans ces futiles soins, c’était à peine s’il trouvait le temps d’apposer son nom au bas des actes d’administration publique que lui présentait à signer son conseil dirigeant. Ces actes furent en très-petit nombre ; presque tous avaient pour objet des mesures de finances.

Les caisses du trésor public, lorsque le comte prit la direction politique du royaume, étaient complétement vides ; les millions amenés d’Orléans par M. Dudon et par l’officier de gendarmerie d’élite Janin n’avaient pu les remplir ; une partie de cet argent était allée directement dans les mains du gouvernement provisoire sans passer par la Trésorerie. Quelques-uns des fourgons qui le renfermaient se trouvaient cependant encore aux Tuileries le jour de l’entrée du lieutenant général. Ils furent, assure-t-on, le sujet d’un débat assez étrange entre quelques émigrés de la petite cour du prince et le ministre provisoire du Trésor. On raconte qu’ouverts et fouillés par quelques personnes de la suite du comte d’Artois, on vit plusieurs courtisans y puiser à pleines mains. Averti par