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— 1814 —

dissaient comme un signe de révolte, comme le symbole d’une révolution sanguinaire qui les avait décimés et proscrits ? Décidés à éviter ce nouvel embarras, ils firent écrire au maréchal Jourdan, commandant la division militaire de Rouen, que Marmont venait de faire arborer la cocarde blanche à son corps d’armée. Trompé par ce faux avis, et convaincu que le duc de Raguse avait obéi à un ordre général, Jourdan publia un ordre du jour qui prescrivait la substitution de cocarde à toutes les troupes sous son commandement. Une fois armé de cet ordre, et fort de son exécution, le gouvernement provisoire vint facilement à bout de toutes les répugnances ; personne ne se sentit le courage d’une opposition qui pouvait le signaler au mécontentement des maîtres du lendemain ; la cocarde tricolore fut immédiatement abandonnée.

Ce fut le 16 que le comte d’Artois prit le gouvernement. Son premier arrêté, enregistré dans le Moniteur du 17, institua un conseil d’État provisoire, composé de M. de Talleyrand, des maréchaux Moncey et Oudinot, du duc de Dalberg, du comte de Jaucourt, des généraux Beurnonville et Dessolles, et de l’abbé de Montesquiou. Cette espèce de conseil dirigeant, dont le baron de Vitrolles fut nommé secrétaire avec le titre de secrétaire d’État, était le gouvernement provisoire augmenté de trois membres, les maréchaux Oudinot et Moncey et le commandant en chef de la garde nationale parisienne. Dans la position et avec les préjugés du prince, cette mesure inspirée par M. de Vitrolles, était un acte de sagesse. Mais le frère de Louis XVIII ne devait pas rester longtemps dans cette voie. À cinq jours de là, le 21, la création et l’envoi de commissaires extraordinaires dans chacune des divisions militaires du royaume introduisit dans la politique active les hommes de l’ancien régime. Ce fut le début de la réaction. Ces commissaires, d’après les termes du décret qui les instituait, avaient pour mission de « répandre dans le pays la connaissance exacte des événements qui avaient rendu la