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— 1814 —

tester contre les monstrueuses usurpations du Sénat. Assemblés, un jour, pour adhérer à la déchéance de l’Empereur, ils ne s’étaient plus réunis ; leur salle était restée fermée. Ils étaient nombreux pourtant ; leur titre leur donnait des droits au moins égaux à ceux du Sénat ; il empruntait même aux circonstances et aux sympathies publiques une valeur que n’avaient pas les titres de l’autre Assemblée. Ces éléments d’influence et de force demeurèrent stériles en leurs mains. Spectateurs silencieux et soumis des immenses changements opérés devant eux et sans eux, par un corps avili, par quelques hommes sans crédit ou sans popularité, tout ce qu’ils surent faire, ce fut de s’effacer, de s’annuler derrière le Sénat. Jamais assemblée élective, en d’aussi grandes circonstances, ne joua un rôle plus misérable.

La restitution de tous les prisonniers de guerre à leurs puissances respectives, et l’ordre de faire prendre la cocarde blanche à tous les corps de l’armée, de faire arborer le pavillon blanc sur tous les bâtiments de guerre et de commerce, furent les derniers actes du gouvernement provisoire. Cette substitution de la couleur blanche aux trois couleurs, faute immense, et qui, deux fois, devait exercer sur les destinées de la Restauration une influence fatale, ne fut pas ordonnée sans débat. Tous les maréchaux, tous les généraux, même les plus compromis avec le régime impérial, repoussant énergiquement les insinuations de M. de Talleyrand, refusaient de quitter les couleurs qu’ils avaient toujours portées, sous lesquelles tous avaient conquis leur renom, leur fortune militaire, et que leurs mains victorieuses avaient plantées sur toutes les capitales de l’Europe. Le prince de Bénévent et ses collègues auraient fait assez bon marché des réclamations des anciens émigrés et des royalistes que l’événement venait d’enfanter ; mais comment obtenir du comte d’Artois et de ses fils, d’arracher les rubans blancs attachés à la boutonnière de leurs habits, la cocarde blanche usée à leur chapeau, et d’y substituer la couleur que, depuis un quart de siècle, ils mau-