Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 2.djvu/39

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
35
— 1814 —

faire observer les bases. » Docile aux observations de M. de Vitrolles, le principal intermédiaire de ses négociations avec le gouvernement provisoire et les membres influents du Sénat, le prince s’était contenté de dire, comme on l’a vu : « Je ne crains pas d’être désavoué en assurant, en son nom, qu’il en admettra les bases. »

Malgré cette modification, les promesses que menait de faire le nouveau lieutenant général blessaient profondément ses opinions personnelles. On en eut immédiatement la preuve. Dans l’ordre des présentations de cette soirée, les députés succédaient aux sénateurs ; le discours du président du Corps législatif ne contenait que des compliments et des félicitations : les mots de garanties politiques et de constitution n’y étaient pas même prononcés. Le comte d’Artois avait d’abord écouté cette harangue avec le sourire habituel aux princes qui prennent à tâche de se montrer constamment gracieux. Mais, lorsque M. Félix Faulcon eut cessé de parler, la figure du prince s’épanouit soudain ; la joie brilla dans son regard, et, s’adressant à la foule des députés groupés devant lui, il leur dit, avec un entraînement remarqué de tous, « qu’il éprouvait un bonheur difficile à exprimer, en se trouvant enfin au milieu des véritables représentants du peuple français. » Dans la conviction sincère du comte d’Artois, la France, désabusée depuis longtemps de la liberté et des constitutions, ne désirait que la paix et ses anciens princes, et les garanties inscrites dans l’acte constitutionnel du 6 avril n’étaient qu’une invention exclusivement sénatoriale.

Lorsque Napoléon, au moment de l’envahissement de nos frontières par l’Europe armée, était venu demander au Corps législatif les secours nécessaires pour sauver l’indépendance nationale, les députés avaient eu le triste courage de lui répondre par une pétition de principe. Cet effort avait probablement épuisé leur énergie ; car, depuis la prise de Paris, ces inflexibles poursuivants de droits politiques et de légalité n’avaient pas su trouver, une seule fois, l’occasion de pro-