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— 1814 —

sivement l’œuvre du Sénat ; c était aux actes émanés de cette Assemblée et à la constitution publiée par ses membres que l’armée et tous les corps constitués avaient adhéré ; S. A. R. était libre sans doute de ne sanctionner aucun des faits antérieurs à sa venue ; mais, mandataire du roi son frère, peut-être devait-elle sacrifier ses opinions personnelles aux intérêts qu’elle représentait. Les circonstances, d’ailleurs, ne permettaient pas de faire aux questions de principes une part exclusive. Non-seulement Napoléon était encore à Fontainebleau, entouré de soldats prêts à rentrer en lutte au moindre signe de sa main, mais des lettres arrivées la veille et le matin annonçaient que plusieurs garnisons, celles de Lille, de Metz, de Thionville, entre autres, étaient en pleine révolte contre le nouveau gouvernement, et refusaient de reconnaître ses ordres. Les habitants des campagnes, en Bourgogne, en Lorraine et en Champagne, embusqués par bandes dans les bois, continuaient à faire aux Alliés une guerre meurtrière. Enfin, on n’avait encore aucune nouvelle des deux corps d’armée aux ordres des maréchaux Soult et Suchet, et l’on ignorait s’ils n’essayeraient pas de se faire les vengeurs de la cause impériale. Les Alliés, ajoutait Alexandre, étaient assez forts assurément pour triompher de toutes ces difficultés : toutefois il croyait devoir rappeler à S. A. R. que, promoteurs de toutes les mesures prises par le gouvernement provisoire et par le Sénat, les Souverains avaient solennellement promis de reconnaître et de garantir la constitution qu’ils avaient appelé les Français à se donner ; « et cette parole, dit le Tzar en terminant et en appuyant sur ces derniers mots, mes alliés et moi nous sommes décidés à la tenir. »

L’argument était sans réplique : le comte d’Artois se voyait obligé de retourner à Nancy, peut-être même à Londres, ou de se soumettre. Le lendemain, 14, nous l’avons dit, il recevait le Sénat aux Tuileries, acceptait de cette Assemblée le titre de lieutenant général du royaume, et répondait en ces termes à la lecture du décret qui lui conférait cette dignité :