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— 1814 —

à répéter partout et à tous : Rien n’est changé ! il n’y a qu’un Français de plus !

Le comte d’Artois ne l’entendait pas ainsi. Non-seulement il avait la conscience de n’avoir pris aucun engagement, mais il lui fallut, aussitôt l’apparition du Moniteur, subir les plaintes et les reproches respectueux de son entourage intime. « Comment ! s’écriaient les émigrés rentrés avec le prince, rien n’est changé ! » La clameur, aux Tuileries, était grande. Cette irritation des compagnons de son exil maintenait le frère de Louis XVI dans sa résolution de ne rien céder au Sénat. La plus grande partie de la journée du 13 s’écoula en pourparlers inutiles. Il fallait cependant prendre un parti. Le pouvoir ne pouvait rester ainsi suspendu entre deux influences opposées. Ce fut l’empereur de Russie qui, cette fois encore, se chargea, de décider la question.

Le 14 avril, on lut dans le principal organe du parti royaliste (Journal des Débats), sous la date du 13 :

« L’empereur de Russie s’est rendu aujourd’hui (13) au palais des Tuileries, seul et comme un simple particulier. S. M. I. est restée trois quarts d’heure à conférer avec le prince dans la plus grande intimité. Lorsque S. M. s’est retirée, S. A. R. voulait l’accompagner jusqu’à sa voiture ; mais le monarque a constamment refusé cet hommage. Monsieur insistant toujours, l’empereur lui a dit en lui serrant la main de la manière la plus affectueuse : « Non, vous n’irez pas plus loin. — Sire, a répondu Monsieur, mon premier devoir est l’obéissance. » S. M. a été reconduite à sa voiture par M. le comte François d’Escars. »

Le soir même du 14, le Sénat était reçu aux Tuileries, et le comte d’Artois, acceptant de cette Assemblée le titre de lieutenant général du royaume, promettait aux sénateurs, au nom du roi son frère, la confirmation de la constitution du 6, et les remerciait de tout ce qu’ils avaient fait pour sa famille.

Ce revirement soudain était le résultat de la visite d’Alexandre. Le Tzar avait nettement abordé la question. La chute de Napoléon et le retour des Bourbons, avait-il dit, étaient exclu-