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— 1814 —

sister à la cérémonie de Notre-Dame, enveloppé dans sa constitution, fièrement appuyé sur les souverains alliés, se tenait à l’écart et attendait. À toutes les questions qui leur étaient adressées, ses membres se contentaient de répéter avec la plus confiante satisfaction un mot prêté par MM. de Talleyrand et Beugnot au comte d’Artois, mot devenu fameux, et sur lequel la Restauration, durant les premiers mois, a politiquement vécu. En voici l’histoire : le Moniteur du 13 devait publier le récit officiel de l’entrée du prince et donner le texte des différents discours prononcés à cette occasion. Ce travail rentrait dans les attributions de M. Beugnot, ministre intérimaire de l’intérieur, et, comme tel, chargé de la direction et de la police de la presse. M. de Talleyrand lui remit la copie de la phrase qu’il avait prononcée ; le comte d’Artois n’ayant fait que balbutier quelques mots sans suite, il était impossible de les reproduire. Cependant il fallait une réponse du prince, pour les journaux et pour le public. Inventez ! dit le prince de Bénévent au ministre. Ce dernier se mit à l’œuvre, et rédigea une espèce de discours que terminait une pensée assez heureuse. M. de Talleyrand prit le discours et en biffa la plus grande partie, ne laissant que la fin. Le lendemain 13, on lisait dans le Moniteur :

« Voici, à peu près, ce qu’on a retenu de la réponse de Monsieur au discours du prince de Bénévent :

Messieurs les membres du gouvernement provisoire, je vous remercie de tout ce que vous avez fait pour notre patrie. J’éprouve une émotion qui m’empêche d’exprimer tout ce que je ressens. Plus de divisions : la paix et la France ; je la revois, et rien n’y est changé, si ce n’est qu’il s’y trouve un Français de plus. »

Ces derniers mots eurent un immense succès dans le monde officiel : tous y voyaient le maintien de leurs titres et de leurs honneurs, de leurs places et de leurs traitements. Le Sénat, surtout, les acceptait comme le gage de la conservation de ses dignités et de ses dotations ; de là, l’insistance de ses membres