Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 2.djvu/319

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
315
— 1815 —

causer des embarras. Je n’aime pas à placer un homme entre ses sentiments et ses devoirs. Votre carrière est ouverte d’un autre côté : vous êtes un homme distingué, vous avez le travail facile ; déjà conseiller d’État, vous pouvez arriver à une direction générale. Soyez franc avec moi : la police est difficile à faire ; vous seriez obligé de me rendre compte de tous les complots, quelles que fussent les personnes compromises. — Sire, je le ferais. — Et si, dans ces complots, quelques-uns de vos parents, de vos amis, se trouvaient impliqués, me le diriez-vous ? — Sire, je le dirais à Votre Majesté. — Enfin, si un Bourbon arrivait à Paris, votre devoir serait, avant toute chose, de le faire arrêter. — Sire, je le ferais. — Mais moi, monsieur, je le ferais fusiller ? — Votre Majesté agirait comme bon lui semblerait ; moi, je ferais mon devoir. — Alors, monsieur, vous ne me prêtez pas seulement le serment du fonctionnaire à son souverain, mais le serment d’un homme d’honneur à un homme d’honneur ; vous savez bien ce que vous faites ? — Oui, Sire, je prête le serment que Votre Majesté me demande, et je le tiendrai. — Eh bien, monsieur, je vous nomme préfet de police.

Voilà ce qui s’est passé entre moi et M. Pasquier lors de sa nomination, ajouta l’Empereur ; j’ai su que, malgré son serment, il était de toutes les intrigues ourdies contre moi avant le 31 mars 1814 : je vous le répète, je ne l’emploierai jamais. »

Le ministère avait été complété le 23 mars ; le conseil d’État le fut le 25 ; le lendemain 26, Napoléon inaugura officiellement sa réintégration dans la puissance impériale par des réceptions où se rendirent, à tour de rôle, tous les grands pouvoirs de l’État. Les ministres se présentèrent les premiers. Le conseil d’État parut ensuite. M. Defermon, doyen des présidents de section, lut, au nom de ses collègues, un exposé de faits et de principes qui était une critique habile et vraie du gouvernement des Bourbons, ainsi que la justification du mouvement qui venait de replacer Napoléon sur le trône. Cet exposé, fort étendu, se terminait ainsi :