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— 1815 —

Louis XVIII s’embarquait à Cette. Il y avait alors vingt-cinq jours que le gouvernement impérial se trouvait constitué.

Le 20 mars, dès le soir de sa rentrée aux Tuileries, l’Empereur avait voulu composer son gouvernement ; la plupart de ses anciens ministres furent immédiatement appelés au palais, et, parmi eux, le comte Mollien : « J’étais à la campagne le jour même du retour de Napoléon à Paris, a-t-il raconté ; j’aurais voulu fuir, non sa personne, mais sa confiance, et toute fonction à laquelle il pouvait vouloir me rappeler. Dans la journée, je reçus successivement deux courriers de ma famille, qui me pressait de revenir, et j’appris, en arrivant chez moi, que déjà Napoléon m’avait envoyé chercher trois fois. La nuit était avancée quand je pus me rendre aux Tuileries ; les bruyantes acclamations qui, de la cour du Carrousel et pendant toute la soirée, avaient proclamé sa présence dans le palais longtemps habité par lui, étaient calmées ; la ville était paisible, les rues solitaires. Il n’en était pas ainsi dans les salons des Tuileries : ils étaient remplis de presque tous les anciens habitués et d’un assez grand nombre de candidats plus récents, qui semblaient n’attendre que la permission d’y rester. Dans la pièce qui précédait le cabinet de Napoléon, étaient rassemblés les ministres qui avaient été mes collègues ; je sus qu’il avait déjà disposé de moi, et qu’il me demanderait de reprendre le ministère que j’avais exercé pendant près de neuf ans ; mes objections étaient préparées, et je crois que j’aurais pu résister à des ordres ; mais, en ayant l’air de reconnaître lui-même que ce qu’il demandait était un sacrifice et un acte de dévouement, il rendait le refus plus difficile. Lorsque je l’abordai, il était seul ; il m’embrassa, ne fit aucune réflexion sur mon peu d’empressement, et, en me prenant les mains, son premier mot fut  : « Dans ce moment de crise, vous ne refuserez pas de reprendre votre place au ministère. » J’étais profondément ému, et, avant de lui répondre, je lui parlai de lui, de son retour miraculeux, et je lui témoignai tout mon étonnement de la manière dont il