Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 2.djvu/313

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
309
— 1815 —

M. Lainé ne quitta pas la France, et demeura, sans être inquiété, dans sa maison de campagne, près de Bordeaux. M. Ferrand, l’instrument le plus compromis de la Restauration, put rester fort paisible dans sa terre, près d’Orléans, jusqu’au moment où la marche de toutes les armées de l’Europe vers nos frontières, donnant quelque probabilité au retour de ses maîtres, il jugea utile à ses intérêts d’aller rejoindre Louis XVIII à Gand. M. Guizot, l’inspirateur de M. de Montesquiou, le rédacteur du projet de loi sur la censure, ne devait être renvoyé du ministère de l’intérieur qu’au bout de deux mois, le 13 mai, peu de jours précisément après qu’il eut accepté et signé l’Acte additionnel, dont l’article final excluait à perpétuité les Bourbons du trône et du territoire[1]. Non-seulement la plupart des hommes qui avaient le plus odieusement abandonné Napoléon, généraux ou fonctionnaires civils, reçurent le plus généreux pardon, mais ils furent encore employés par lui ; ce fut même une de ses fautes. Berthier était un de ceux dont il parlait le plus souvent dans le cercle de son intimité, aux Tuileries ; mais ses paroles étaient sans amertume, et exprimaient le regret plutôt que la plainte : « Il me doit tout, disait-il ; sans moi il tracerait encore des cartes et des plans dans quelque bureau ; et je l’ai fait maréchal, prince souverain. Aussi, ajoutait-il en riant, s’il se présente, je ferai sur lui un exemple : je le ferai dîner un jour avec nous revêtu de son habit de garde du corps[2]. » Enfin, Napoléon consentit même à recevoir les membres de l’ancien Sénat ; pas un reproche ne sortit de sa bouche ; il se contenta, au sujet des actes de cette Assemblée qui avaient décidé son exil, d’adresser ces paroles aux anciens sénateurs : « Je laisse ces faits à l’histoire ; quant à moi, j’oublie tout ce qui s’est passé. »

Lorsque, le 11 avril, Napoléon ordonnait la mise en liberté du duc d’Angoulême, l’étendard royal avait complétement disparu de la surface de l’Empire, et, le 16, le neveu de

  1. Note ministérielle. (Moniteur du 14 mai 1815.)
  2. Berthier avait été créé capitaine d’une des six compagnies de ce nom.