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— 1814 —

madame Charles de Damas, la visite de M. de Choiseul-Gouffier, que le gouvernement provisoire avait chargé d’une note ainsi conçue :

« Le gouvernement provisoire reconnaît qu’il est nécessaire que S. A. R. Monsieur soit, dès son arrivée à Paris, le chef du gouvernement.

On ne peut pas admettre que S. A. R. partage le gouvernement avec la commission nommée par le Sénat, ou que S. A. R. gouverne concurremment avec elle. Chacun de ces deux partis, outre qu’il blesse la dignité de Monsieur, pourrait être une source de divisions dans un moment où il s’agit de tout réunir.

L’exercice pur et simple de l’autorité de lieutenant général a paru dangereux.

Il faut que Monsieur exerce l’autorité provisoire, mais qu’elle lui soit transmise dans des formes douces et conciliatrices qui n’effarouchent point les esprits, qui les rallient au contraire à sa personne. Tout deviendra facile sur cette voie.

Et, pour cela, le gouvernement provisoire propose que S. A. R. Monsieur soit nommé, par un acte du Sénat, chef du gouvernement provisoire ; avec cette qualité fort simple on est d’accord avec ce qui a été fait jusqu’alors. Monsieur reçoit l’autorité sans difficulté, et S. A. R. l’exerce dans sa sagesse et avec une facilité que peut-être elle ne trouverait pas si elle s’appuyait sur un autre titre.

Le gouvernement provisoire ose espérer que S. A. R. trouvera le parti qu’on lui soumet d’autant moins susceptible de difficultés, que les principes de la constitution (du 6) sont conformes à ceux que S. A. R. annonce comme admis par son auguste frère. »

Il était difficile de s’exprimer avec plus de mesure, et de concilier mieux les prétentions du comte d’Artois, les exigences du Sénat et les nécessités de la situation. Le frère de Louis XVI, retranché dans les droits qu’il prétendait tenir de la vieille loi monarchique, ne voulut entendre à aucune composition. Cependant les moments pressaient ; l’entrée du prince avait été officiellement annoncée pour le 12 avril ; elle était attendue ; tous les préparatifs de réception étaient faits, tous les corps constitués se trouvaient convoqués. Dans l’impossibilité où ils étaient de différer la cérémonie, M. de Talleyrand et ses collègues prirent le parti d’accueillir le comte d’Artois, non comme chef du gouvernement, mais comme