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— 1814 —

les pouvoirs, comme le représentant naturel, légal, de l’ancienne monarchie. Or, au lieu d’autorités soumises, et à la place de pouvoirs respectueux, le prince allait trouver une Assemblée qui, ne tenant aucun compte de sa personne ni de ses droits, et usurpant la prérogative souveraine, se posait en puissance rivale, et déclarait que le chef de sa famille ne prendrait possession du trône qu’après avoir accepté les conditions qu’elle entendait mettre à son avénement. M. de Vitrolles répondit à cette communication en adressant à M. de Talleyrand une protestation véhémente contre les prétentions du Sénat, et le prince continua son chemin.

La difficulté n’était que retardée ; il fallait entrer dans Paris. Les compagnons de route du comte d’Artois espéraient que son approche, aidée par plusieurs dépêches successives, puis par les démarches de M. de Vitrolles, qui avait pris les devants, rendrait les sénateurs plus faciles à la soumission ; il n’en était rien : appuyé sur sa constitution, seul titre légal des Bourbons au trône, le Sénat ne se bornait pas à refuser au comte d’Artois la qualification surannée de Monsieur ; il ne voulait pas davantage reconnaître le titre de lieutenant général du royaume que prenait le prince depuis son entrée sur le territoire. Louis XVIII, aux yeux du Sénat, n’était pas encore roi, puisqu’il n’avait pas accepté l’Acte constitutionnel du 6 avril, et se trouvait dès lors sans pouvoir, comme sans droits, pour créer un lieutenant général. Cette nomination, si elle était nécessaire, ne pouvait émaner que des sénateurs. Jusque-là le comte d’Artois, pour eux, n’était que le frère de Louis-Stanislas-Xavier, et rien de plus.

Le comte arriva, le 11, aux portes de Paris, sans avoir décidé s’il se résignerait à subir les exigences du Sénat, ou bien si, une fois entré dans la capitale du royaume, comme simple voyageur, il tenterait de s’emparer du gouvernement, à l’aide des seuls partisans de sa famille.

M. de Talleyrand essaya de s’entremettre. Le 11, au soir, le frère de Louis XVI reçut au château de Livry, propriété de