Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 2.djvu/296

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
292
— 1815 —

Le général Clausel n’avait donc obtenu qu’un demi-succès. Il n’en fit pas moins mettre en liberté tous les volontaires bordelais prisonniers, leur imposant, pour seule condition, la promesse de se présenter devant la duchesse et de lui demander, en son nom, l’envoi d’un parlementaire chargé de discuter les moyens d’empêcher une inutile effusion de sang : « Bordeaux est moi, disait le général ; je peux y entrer dès demain. » Ces paroles, rapportées à la duchesse, lui semblèrent une forfanterie indigne d’une réponse. Ses conseillers furent d’un avis opposé. L’envoi d’un parlementaire n’engageait à rien, disaient-ils ; on pourrait, du moins, sonder le général Clausel et se mettre sur la voie des intelligences qu’il paraissait entretenir avec la ville. La mission fut confiée à M. de Martignac, jeune avocat, ardent royaliste, que la seconde Restauration réservait à un rôle politique influent. Arrivé à Saint-André, et admis devant le lieutenant de Napoléon, M. de Martignac trouva chez ce dernier une confiance dans le succès et une sécurité qui formaient le plus étrange contraste avec sa position en deçà de deux fleuves qu’il lui fallait franchir avant de pouvoir poser le pied dans Bordeaux, et le petit nombre de soldats dont il pouvait disposer. « Mes mesures sont prises pour occuper votre ville sans tirer un coup de fusil, lui dit le général, et j’y serais déjà entré si je ne désirais faciliter à la nièce du roi une retraite qui ne serait peut-être pas sans embarras et sans danger si elle l’opérait lorsque le drapeau tricolore flottera sur vos murs. » Il parla ensuite en termes reconnaissants du duc d’Angoulême, qu’il avait reçu un des premiers à Toulouse, l’année précédente[1] ; et, après

  1. Le général Clausel avait successivement obtenu des Bourbons la croix de Saint-Louis, le 1er juin 1814 ; la croix de grand officier de la Légion d’honneur, le 23 août suivant ; le grand cordon du même ordre, le 14 février 1815 ; puis les fonctions d’inspecteur général d’infanterie. Nous donnons ce détail, non comme un reproche au général Clausel, dont la conduite fut parfaitement honorable en 1814 et en 1815, mais comme une preuve des faveurs accordées sous la première Restauration aux hommes de l’Empire, et pour aider à comprendre ce que nous avons dit plus haut sur l’attitude de la plupart des généraux, lors du retour de l’île d’Elbe.